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Améliorer les petites retraites

Pierre Cormon Publié mercredi 04 septembre 2024

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Septante mille personnes actuellement exclues du deuxième pilier pourront être couvertes et toucher leurs prestations à la retraite si la réforme de la prévoyance professionnelle est acceptée en votation populaire le 22 septembre. On pourrait s’attendre à ce que les syndicats soutiennent cet objectif. Or, ce sont eux qui ont lancé le référendum. Ils critiquent notamment le fait que la réforme entraînera des hausses de cotisations pour une minorité de salariés, ce qui fera baisser leur niveau de vie dans l’immédiat.

Il ne s’agit cependant pas d’argent confisqué, mais mis de côté, dans la logique du deuxième pilier. Cette hausse des cotisations permettra d’augmenter le capital ou les rentes qui leur seront versées à la retraite (sauf dans certains cas très précis). Cette amélioration touchera avant tout les bas salaires et les personnes cumulant plusieurs temps partiels, parmi lesquelles se trouvent une majorité de femmes.

La réticence des syndicats à mieux couvrir ces personnes tient peut-être à l’existence des prestations complémentaires. Les retraités ayant un revenu insuffisant peuvent demander à leur canton de leur verser cette aide financière – il s’agit d’un droit. Pourquoi alors améliorer leurs retraites, si la collectivité vient à leur secours? Pourquoi financer de sa poche ce que l’on peut recevoir gratuitement? Les uns répondront sur un plan abstrait, en invoquant la responsabilité individuelle ou la satisfaction de subvenir à ses propres besoins sans dépendre de la collectivité. Cela ne convaincra pas forcément les autres, qui parleront de solidarité et de répartition des richesses.

Un détour par la réalité permet de recadrer le débat. Deux cent trente mille personnes auraient, en Suisse, le droit de toucher les prestations complémentaires et ne le font pas, selon une étude de la Haute école des sciences appliquées de Zurich. C’est le cas d’une femme sur cinq et d’un homme sur dix. Le phénomène est particulièrement marqué dans les cantons de Genève, de Neuchâtel et du Jura. Parmi les explications avancées figurent la méconnaissance de la mesure, la réticence à effectuer les démarches, le refus de dépendre de l’Etat et la honte. Les prestations complémentaires constituent donc un filet de secours, pas un substitut satisfaisant au deuxième pilier. Une partie substantielle des retraités préfère vivre de ses propres moyens, même s’ils sont très limités, que de dépendre de la solidarité. La réforme de la LPP permettra d’en donner les moyens à davantage de personnes.