C’est un mouvement de bascule que l’on peine encore à admettre, surtout pour celles et ceux à qui l’on a répété: «Passe ta maturité, puis file vers les hautes études, c’est la garantie d’un emploi de qualité.» Or, en 2025, avec l’essor massif de l’intelligence artificielle (IA) et les transformations sociétales qu’elle accélère, cette maxime a du plomb dans l’aile. Nos voisins l’ont bien compris: en juin, The Economist évoquait un avenir sombre pour les diplômés; dans son sillage, L’Express alertait sur un possible «krach des diplômes».
Plusieurs indicateurs récents montrent une situation tendue: la part des diplômés universitaires au chômage est passée de 27% à plus de 34%, alors même que leur présence sur le marché n’a augmenté que d’environ un point. Certaines filières sont particulièrement touchées: dans l’informatique, les offres d’emploi ont chuté de 31% début 2025, relevait récemment le Tages-Anzeiger. Les professions les plus exposées à l’IA – celles dites «intellectuelles» – subissent déjà des automatismes internes et des économies de postes. Résultat, les employeurs croulent sous les candidatures et les titulaires de master acceptent désormais des emplois autrefois réservés aux détenteurs de bachelor.
À Genève, les coupes dans le secteur international et les ONG renforcent encore ce phénomène, compliquant l’accès aux premières expériences. Dans le même temps, paradoxalement, on ne parle que de pénurie de main-d’œuvre dans des pans entiers de l’économie. Que faire, alors? S’inspirer peut-être de la philosophie de la Cité des métiers: encourager les professions ancrées dans la pratique et l’employabilité, sans opposer pour autant les voies de formation.
Contrairement à la France et à sa tradition d’écoles d’élites, la Suisse n’a jamais négligé la filière de l’apprentissage. Il n’existe pas de recette miracle, mais une évidence s’impose: multiplier les expériences. Aller sur le terrain, toucher du concret, confronter ses idées à la réalité pour ouvrir des portes que l’on n’aurait jamais imaginées. Beaucoup de jeunes se font une idée floue – ou fantasmée – de certains métiers, alors que la réalité pourrait révéler une vocation inattendue. D’où l’importance de ne pas négliger les stages, même brefs, ni ces premières immersions qui font tomber les préjugés et éclairent des chemins possibles.
Cette flexibilité, cette capacité à réviser ses certitudes plutôt qu’à s’y accrocher, deviendra décisive dans un marché bousculé par l’IA et les transitions en cours. Avec, en filigrane, une responsabilité forcément partagée: écoles, employeurs, parents et jeunes eux-mêmes.
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