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Cap de dix millions d’habitants en Suisse: hautement hypothétique!

Véronique Kämpfen Rédactrice en chef Publié lundi 08 décembre 2025

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Dix millions. C’est le nombre d’habitants maximum en Suisse préconisé par l’UDC dans une initiative sur laquelle nous voterons l’année prochaine. Si ce seuil est dépassé d’ici à 2050, la Suisse fermera ses portes aux migrants, aux Européens et au reste du monde.
Posons-nous la question de ce chiffre, dix millions, et des hypothèses démographiques qui le sous-tendent. En vérité, il y a peu de chances qu’on l’atteigne. L’accroissement démographique est dû à un solde migratoire positif d’environ soixante mille personnes par année. Ce n’est que dans l’hypothèse où la Suisse continue à être économiquement attractive pour les étrangers et que la natalité ne baisse pas davantage que les dix millions d’habitants pourraient être atteints en 2046.
Or, le nombre d’enfants par femme ne cesse de baisser, à un rythme beaucoup plus rapide qu’escompté. Le taux de fécondité a chuté en Suisse à 1,29 enfant par femme, bien en-deçà des 2,1 enfants par femme nécessaire au renouvellement des générations. Même les pays qui injectent des sommes considérables pour motiver les femmes à procréer n’y arrivent pas. La Hongrie consacre 6% de son PIB annuel à des incitations en faveur de la natalité, sans effets notables. Les pays scandinaves, champions des congés parentaux à rallonge, voient la natalité baisser. Même le Botswana, qui avait un des taux de natalité les plus hauts au monde, avec plus de sept enfants par femme dans les années 1980, a vu ce chiffre s’abaisser à trois enfants en l’espace de vingt ans. La Suisse n’échappe pas à cette tendance baissière.
Qu’en est-il de l’autre pan de l’évolution démographique de la Suisse: son attractivité pour les étrangers? Les personnes relevant de l’asile représentent moins de 6% des migrants. Leur impact est donc marginal sur le solde migratoire. Restent les personnes qui viennent en Suisse attirées par le dynamisme économique. Cinquante pour cent d’entre elles arrivent avec un contrat de travail en poche. Elles sont majoritaires dans certains secteurs d’activités comme la construction, le nettoyage ou la santé. Tous les pays européens sont confrontés aux mêmes défis démographiques et seront de plus en plus en concurrence pour attirer les travailleurs qualifiés. La Suisse, confrontée à des enjeux majeurs comme la conclusion des accords bilatéraux III pour garantir sa prospérité sur le long terme, doit se méfier et se garder d’agir par excès de confiance.
L’initiative sur une Suisse a dix millions d’habitants sera au mieux inutile – dans l’hypothèse où la population suisse n’atteindra jamais ce seuil –, au pire délétère en empêchant des personnes actives de travailler chez nous pour remplacer les jeunes Suisses jamais nés.