Danemark: l’âge de la retraite est indexé sur l’espérance de vie

Sung-Shim Courier
Publié lundi 09 septembre 2024
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#Retraite Les autorités danoises auraient trouvé la solution pour désamorcer la bombe du financement des retraites. Comment? En indexant l’âge de la pension légale à celui de l’espérance de vie.

«Un travailleur de plus de septante ans, cela vous paraît trop vieux? Pas à moi», martèle Claus Blendstrup, en charge des questions relatives à la pension nationale chez Aeldre sagen, une organisation danoise à but non lucratif qui œuvre pour la protection des intérêts des seniors dans la société. «Quand la commission européenne regarde le budget du Danemark, elle n’a rien à y redire. Notre système est fiable et durable. Nous n’avons aucun retraité pauvre, contrairement aux autres pays européens. Si nous voulons préserver notre Etat providence, nous devons maintenir le cap.»

L’Etat providence danois est en effet l’un des plus généreux au monde. A titre d’exemple, selon le magazine The Economist, les allocations représentent plus de 80% du salaire antérieur après six mois de chômage, par rapport à une moyenne de 60% dans les pays développés.

Le coût de la générosité

Cette générosité a évidemment aussi un coût, répercuté sur les contributions salariales. Pour faire face au vieillissement accéléré de sa population, plus marqué que dans les autres économies industrialisées, le pays de 5,8 millions d’habitants s’est penché tôt sur l’épineux dossier des retraites. En 2003, un comité d’experts a été mis en place et a choisi d’écarter l’option de l’augmentation des impôts, le Danemark occupant déjà la première place au palmarès de la fiscalité selon l’Organisation de coopération et de développement économiques.

En 2006, le gouvernement, composé à l’époque du Parti libéral et du Parti conservateur a signé avec l’opposition (les sociaux-démocrates, le Parti populaire danois et le Parti social-libéral) un «Accord de Protection sociale» qui introduit le premier principe d’indexation d’âge de la retraite. Il faudra attendre 2011 et les négociations d’un nouveau gouvernement social-démocrate pour que les libéraux acceptent de soutenir la candidature de Helle Thorning Schmidt au poste de Première ministre, à la condition qu’une fois au pouvoir, cette dernière appuie une nouvelle réforme. Marché conclu. Il est ainsi décidé que tous les cinq ans, le parlement fera voter l’augmentation de l’âge de la retraite de six mois à une année. L’âge doit passer à 69 ans en 2035 pour finalement atteindre 72 ans en 2050.

Compromis à la danoise

De chaque côté du spectre, reculer l’âge légal de la retraite apparaît comme la meilleure solution. Quelques voix, principalement issues du secteur public (travailleurs sociaux, infirmiers, instituteurs) se sont timidement élevées, sans pour autant perturber les oreilles des hommes et les femmes politiques. Rappelons qu’une grande partie de ce qui concerne le travail (salaire, congés, pension, etc.) est de toute façon régulé dans le cadre d’accords collectifs, négociés pour chaque branche par les partenaires sociaux tous les deux ou trois ans. Thomas Soeby, qui représente les travailleurs qualifiés au sein du syndicat des métallurgistes, partage la vision pragmatique du gouvernement: «Les personnes qui entrent sur le marché du travail maintenant bénéficient désormais d’un meilleur environnement de travail. Nous voulons tous, employés et employeurs, que nos entreprises soient compétitives. Notre prochaine échéance sont les négociations collectives de février 2023, où nous voyons une possibilité d’améliorer la situation des personnes qui souhaitent travailler à temps partiel».

Pénibilité, égalité

«Certains représentants syndicaux ont mis sur la table l’exigence que la pénibilité du travail soit davantage prise en compte», explique Thomas Soeby. Les personnes ayant plus de 42 ans sur le marché du travail ont droit à une retraite anticipée (d’un an à trois ans maximum). «Ils voulaient un renforcement de la pension d’incapacité de travail, mais nous préférons laisser aux gens la liberté de décider s’ils veulent partir en préretraite ou non, plutôt que de passer par une expertise médicale. Car pourquoi ne pourrions-nous pas être retraités et en bonne santé?» s’étonne-t-il.

Claus Blendstrup ajoute que, dans le système danois, ce n’est pas le nombre d’années de travail qui comptent, mais le nombre d’années de résidence. «Quarante années sont exigées pour percevoir une pension de vieillesse publique à taux plein. Cela me paraît plus égalitaire, les femmes qui ont en général moins travaillé que les hommes ne se trouvent pas lésées.» Claus Blendstrup nuance. «Le principal défi, actuellement, n’est pas de maintenir les seniors dans leur poste, mais de remettre ceux qui ont perdu leur travail sur le marché de l’emploi. Et cela sera d’autant plus vrai dans les années à venir.»

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