De nouvelles cartes de débit pénalisent les commerçants
Pierre Cormon
Publié lundi 28 août 2023
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#Commerces Introduites cette année par les banques, elles font payer aux commerçants des commissions sensiblement plus élevées que la Maestro, pour les transactions dépassant un certain seuil.
Déjà fragilisés par la crise du Covid-19, certains commerçants font face à un nouveau problème: l’introduction de nouvelles cartes de débit (lire le glossaire), qui remplacent progressivement la Maestro. Elles ont pour nom Debit MasterCard et Visa Debit (une autre carte, VPAY, a été introduite antérieurement et devrait être retirée). Pour les transactions portant sur de petits montants, elles sont plus avantageuses pour les commerçants, mais à partir d’un certain seuil, qui varie selon la carte, c’est le contraire. Diverses organisations patronales, dont la Fédération des Entreprises Romandes, sont donc intervenues auprès des autorités compétentes. UBS, Credit Suisse et Raffeisen, notamment, ont commencé à distribuer ces nouvelles cartes à leurs clients à la place de la Maestro. Elles ont un intérêt financier à le faire, puisque cela leur permet de toucher une commission sur les transactions, dans un premier temps du moins, ce qui n’est pas le cas avec la Maestro (lire ci-dessous). Les nouvelles cartes offrent à leurs détenteurs des fonctionnalités que ne propose pas la Maestro, comme les paiements en ligne ou le remboursement de colis payés et non livrés.
Demande des autorités
Elles permettent également de répondre à une demande des autorités. La pandémie a en effet provoqué une hausse sensible des paiements par cartes. Or, les intermédiaires qui gèrent les paiements prélèvent un forfait pour chaque transaction effectuée avec la Maestro, d’un montant maximal de vingt-six centimes. Il s’agit d’un plafond. «Le montant de la commission peut varier en fonction de la taille du client, de son volume de transactions ou de la complexité de l’architecture de paiement qu’il requiert, centralisé ou pas», explique Adrian Elmiger, Head of Merchant Services Suisse pour Worldline (anciennement Six Payment Services), le plus gros de ces intermédiaires. En d’autres mots: les bons clients peuvent encore obtenir des rabais. Pour les commerçants, cette tarification est particulièrement avantageuse pour les transactions élevées (vingt-six centimes ne représentent pas grand-chose sur l’achat d’un vélo électrique). Elle ne l’est en revanche pas pour les petites transactions (vingt-six centimes érodent sérieusement la marge sur la vente d’une baguette de pain). Le surveillant des prix a donc demandé aux intermédiaires de trouver des solutions permettant de ne pas pénaliser les commerçants sur les petites transactions. C’est le cas avec les nouvelles cartes de débit. Les commissions versées par les commerçants à Worldline combinent un forfait de base de dix centimes additionné d’un pourcentage du montant de la transaction (0,49% pour la Debit MasterCard et 0,95% pour la Visa Debit et la VPAY). Les commerçants paient ainsi proportionnellement moins sur les petites sommes qu’avec la Maestro. Un achat de cinq francs engendre par exemple une commission de 12,45 centimes avec la Debit MasterCard – plus de deux fois moins qu’avec la Maestro – et de 14,9 centimes avec la VPAY ou la Visa Debit. Dans le meilleur des cas, le gain peut être d’une quinzaine de centimes.
Point d'inflexion
Les choses changent en revanche pour les transactions d’un certain montant effectuées en magasin. Le point d’inflexion se situe aux alentours de trente-trois francs pour la Debit MasterCard et de dix-sept francs pour les deux autres. «Tout montant dépassant ces limites implique des frais supérieurs à ceux de la carte Maestro actuelle», calcule Flavien Claivaz, directeur de l’Union Commerciale Valaisanne (UCOVA) et de la Fédération des Entreprises Romandes Valais. Concrètement, un achat de cent cinquante francs donnera lieu à la perception d’une commission de 83,5 centimes avec la Debit MasterCard et de 1,57 francs avec la VPAY et la Visa Debit. Soit près de trois fois plus qu’avec la Maestro dans le premier cas et plus de cinq fois plus dans le second. Dans le pire des cas, la différence peut être de 3,24 francs1, les commissions étant plafonnées. «Ces montants sont excessifs et érodent les marges déjà serrées des commerçants», estime Flavien Claivaz. «Ces nouvelles commissions sont presque aussi élevées que celles des cartes de crédit de Visa et MasterCard» (notoirement désavantageuses pour les commerçants - ndlr), ajoute Dagmar Jenni, directrice de Swiss Retail, l’association suisse du commerce de détail.
Effet variable
L’effet de ces nouvelles cartes varie beaucoup selon le type de commerce et le canal de paiement. Les commissions sont moins élevées pour les ventes en ligne ou les transactions par téléphone portable que celles des cartes de crédit et des applications comme Twint ou Apple Pay. En magasin, le paiement par carte est plus avantageux qu’auparavant pour les commerçants qui effectuent essentiellement des transactions de petits montants: kiosques, boulangeries, bars à café, etc. Elles sont désavantageuses pour les entreprises effectuant surtout des transactions de montants plus élevés, comme des magasins de mode. Une autre inégalité existe entre les petits et les grands commerçants. Les seconds ont en effet la possibilité de négocier des conditions plus avantageuses auprès des intermédiaires comme Worldline, ce qui n’est pas le cas des plus petits – sauf s’il font partie d’une association professionnelle négociant des tarifs groupés.
Accord à l'amiable
Saisi par les milieux économiques, le surveillant des prix a conclu un accord avec Six Payment Services (devenu depuis Wordline), prévoyant de plafonner les commissions à deux francs pour la Debit MasterCard et à trois francs cinquante pour la VPAY et la Visa Debit, et ce depuis le 1er mai 2021. «Les autres acquéreurs sont libres de s’aligner et de baisser également leurs prix», note Andrea Zanzi, suppléant du surveillant des prix. S’ils fixent des commissions trop élevées par rapport à Worldline, ils risquent de perdre des clients. Des discussions se poursuivent à d’autres niveaux. Les milieux économiques s’activent pour que les transactions élevées ne soient plus pénalisées. La ComCo a ouvert une observation du marché. Les conseillers nationaux Jacqueline de Quattro (PLR/VD) et Baptiste Hurni (PS/NE) ont interpellé le Conseil fédéral. Celui-ci estime que la question est du ressort du surveillant des prix et de la ComCo. 1 Par rapport à des transactions effectuées avec la Maestro par l’intermédiaire de Worldline.
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