Des risques des réseaux sociaux au travail

L’utilisation des réseaux sociaux par les employés peut engendrer des conflits avec leur employeur.
L’utilisation des réseaux sociaux par les employés peut engendrer des conflits avec leur employeur.
Juliette Jaccard
Publié le jeudi 20 juin 2024
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#Réseaux sociaux Les tribunaux ont été amenés à trancher quelques litiges en la matière, dont voici des exemples.

Propos injurieux tenus sur un groupe WhatsApp1

Une employée a été licenciée avec effet immédiat pour avoir envoyé le 18 mai 2018 à 18 h 21 un message sur un groupe WhatsApp à l’intention de la responsable des ressources humaines de son employeur, qui était sa supérieure hiérarchique. Le contenu du message était le suivant: «O... à la con, je vous en merde [sic]. Avec tout le respect que je dois à votre incompétence». Ce message est parvenu à tous les membres du groupe.

L’employée a indiqué avoir agi de la sorte, car elle venait de recevoir, à 18 h 05, soit quelques minutes plus tôt, le planning pour la semaine suivante. Or, celui-ci prévoyait qu’elle devait travailler deux nocturnes de suite (de midi à 21 h. les jeudi et vendredi), puis immédiatement après (le samedi), de 9 h à 18 h. Amenés à devoir se prononcer sur le caractère justifié ou non du licenciement immédiat, les juges ont considéré que le contenu du message Whats- App litigieux ne suffisait pas à justifier la résiliation immédiate du contrat de travail.

En effet, l’émotion ayant causé la réaction excessive de l’employée était due à l’état d’épuisement professionnel dans lequel elle se trouvait, notamment en lien avec l’organisation de son temps de travail. Pour les juges, on ne saurait occulter les circonstances de la reprise de travail par l’employée, soit un planning très chargé, avec deux nocturnes consécutives se prolongeant par une journée complète de travail, alors même que l’employée reprenait le travail après un arrêt maladie – ce que l’employeuse savait. Les propos litigieux – sans en minimiser la gravité – trouvaient leur origine dans une violation par l’employeur de son obligation de protéger la santé de l’employée (art. 328 CO); or, un employeur ne peut pas se prévaloir des propos litigieux dont il est – au moins en partie – responsable pour justifier la résiliation immédiate du contrat de travail.

Envoi par une employée d’une vidéo à caractère pédopornographique aux membres d’un groupe WhatsApp2

Une employée a été licenciée avec effet immédiat pour avoir envoyé une vidéo à caractère pédopornographique, accompagnée du commentaire «faites attention à vos maris», aux membres d’un groupe Whats- App comprenant plusieurs de ses collègues de travail.

L’employeur, ainsi que neuf de ses collaborateurs, ont déposé pour ces faits plainte pénale à l’encontre de l’employée. Elle a été reconnue pénalement coupable de pornographie au sens de l’art. 197 al. 4 du Code pénal et condamnée à quinze jours-amende avec sursis pendant deux ans.

Le licenciement immédiat prononcé à la suite de cette condamnation pénale a été considéré comme justifié par le Tribunal fédéral.

Licenciement immédiat d’un employé pour avoir posté une vidéo sur Facebook

Une employée a été licenciée avec effet immédiat pour avoir publié sur Facebook une vidéo dans laquelle on la voit fumer dans les locaux de son employeur et se moquer d’un supérieur nommément désigné. Pour le Tribunal fédéral, le licenciement immédiat est justifié, car l’attitude de l’employée, appréciée dans son ensemble, est d’autant plus inadmissible qu’elle s’est moquée d’un supérieur au travers d’un réseau social largement accessible et que la vidéo a été mise en ligne pendant plusieurs jours.

Messages WhatsApp privés lus par l’employeur à la recherche de preuves3

Un employeur a licencié un employé, moyennant respect de son délai de congé, pour cause de déficience de management. Quelques jours après son licenciement, l’employé a été tenu de restituer son téléphone portable professionnel après avoir été invité à en effacer toute donnée privée.

Durant le délai de congé, l’employeur a licencié l’employé avec effet immédiat après avoir appris qu’il avait tenu des propos grossiers et indécents et commis des agissements obscènes à caractère sexuel sur son lieu de travail. A la recherche de preuves pour se défendre dans le cadre d’une procédure prud’homale, l’employeur a, quelques mois plus tard, récupéré, sans l’autorisation de l’employé, des conversations WhatsApp privées que l’employé avait échangées, via son téléphone portable, avec des proches et des collègues. L’employeur cherchait notamment des preuves pour contester les heures supplémentaires réclamées par l’employé. L’employeur a récupéré ces données via le compte iCloud personnel de l’employé. Les données obtenues ne relevaient pas seulement de la sphère privée de l’employé, mais aussi de sa sphère intime, notamment sexuelle.

Considérant que les preuves avaient été obtenues de manière illicite, les juges les ont écartées. L’employeur a été condamné à verser à l’employé plus de deux cent mille francs au titre d’heures supplémentaires, ainsi qu’une indemnité pour tort moral de cinq mille francs, motivée par la grave atteinte que l’employeur a porté à la personnalité de l’employé. Pour le Tribunal fédéral, l’employeur avait d’autres moyens moins intrusifs de réunir des preuves contre l’employé, par exemple en procédant à l’audition d’autres employés.

Action par un employeur en modification du profil de son ancienne employée4

Sur demande de son ancien employeur, une employée a été condamnée par la Cour de Justice du canton de Genève de rectifier son profil sur un réseau social professionnel afin qu’il corresponde à la réalité des faits quant aux dates des différentes fonctions exercées par celle-ci, ainsi que s’agissant de la date exacte de la fin de son contrat de travail avec son ancien employeur. En conclusion Il ressort des différentes affaires susmentionnées que tant les employés que les employeurs peuvent être condamnés pour une mauvaise utilisation des réseaux sociaux au travail. La prudence est donc de mise.

1 Arrêt de la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal vaudois HC/2023/54 du 16.02.2023

2 Arrêt du Tribunal fédéral 4A-319/2020 du 5 août 2020

3 Arrêt du Tribunal fédéral 4A-518/2020 du 25 août 2021

4 Arrêt de la Cour de Justice du canton de Genève CAPH/116/2023 du 6 novembre 2023

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