Initiative pour l’avenir: un suicide fiscal

Pierre Cormon Publié vendredi 31 octobre 2025

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Taxer toutes les donations et successions à hauteur de 50% au-delà d’une franchise de cinquante millions de francs, et utiliser le produit de cet impôt pour combattre le réchauffement climatique: c’est ce que propose l’initiative sur les successions (initiative pour l’avenir), sur laquelle nous voterons le 30 novembre. Son acceptation irait exactement à l’opposé du but recherché. Le nouvel impôt serait parmi les plus élevés au monde et toucherait les entreprises familiales de plein fouet. Les grandes fortunes, que l’initiative vise, ne sont en effet souvent pas détenues sous forme de comptes en banques ou de parts de fonds de placement. Elles consistent plutôt en des parts dans une entreprise familiale. Celles-ci ne représentent pas de l’argent liquide, mais des machines, des bâtiments, des véhicules et, surtout, du savoir-faire. Les héritiers n’auraient pas les moyens de s’acquitter de l’impôt sans vendre une partie de l’entreprise. Cette obligation prendrait place au moment de sa transmission, une phase déjà particulièrement délicate qui peut la mettre en danger. Vendre une partie des parts dans la précipitation les obligerait à accepter les investisseurs capables de payer sur-le-champ en liquide plutôt que ceux avec lesquels les affinités sont les plus profondes. Cela constituerait un risque énorme pour la pérennité de l’entreprise. La plupart des propriétaires tiennent viscéralement à leur entreprise et chercheront à éviter d’en arriver là. Il leur suffira de déménager leur domicile privé hors de Suisse. L’initiative demande certes des mesures pour les en dissuader, mais elles sont inapplicables, car contraires à l’ordre juridique. Nous y perdrions non seulement le produit de l’impôt sur leur succession, mais aussi tous les autres impôts dont ces personnes s’acquittent (revenu, fortune, etc.). Or, nos recettes fiscales dépendent très fortement des gros contribuables. A Genève, un cinquième de l’impôt sur le revenu est généré par sept cent onze d’entre eux (0,2% du total!). Les pousser à l’exil serait un suicide fiscal. Les recettes que les initiants veulent récolter pour le climat seraient beaucoup plus faibles qu’escompté et plus que largement annulées par les autres pertes fiscales. Toutes les politiques publiques en souffriraient. Les moins fortunés seront les premiers à en pâtir, car ils dépendent davantage des prestations publiques (subsides d’assurance- maladie, prestations sociales, etc.). Bref, l’initiative pour l’avenir ne permettra ni de lutter contre le dérèglement climatique ni contre l’injustice sociale, comme le prétendent ses auteurs. Elle aboutirait à l’opposé de ses objectifs, et tous les habitants du pays en paieraient le prix. Il faut donc la refuser sèchement.