Les barrages miniers, lourd héritage environnemental

Les barrages miniers sont souvent construits en condamnant une vallée (ici : barrage de Los Leones (Chili).
Les barrages miniers sont souvent construits en condamnant une vallée (ici : barrage de Los Leones (Chili).
Pierre Cormon
Publié vendredi 04 octobre 2024
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#Métaux Les résidus de l’exploitation minière sont souvent stockés sous forme de boue, dans des barrages. Des accidents se produisent régulièrement.

Les images d’une caméra de surveillance paraissent sorties d’un film-catastrophe. «Certains spectateurs pourraient trouver les images qui suivent éprouvantes», a prévenu le quotidien britannique The Guardian en les mettant en ligne. Le 25 février 2019, à 12 h 28, un barrage contenant des résidus d’une mine de fer de Brumadinho, dans l’Etat brésilien du Minas Gerais, a brusquement cédé. Un tsunami de boue s’est engouffré dans la vallée en contrebas, dévastant l’écosystème et tuant deux cent septante personnes.

Il s’agissait pourtant d’un barrage de taille limitée, classé à bas risque, mais à haut dommage potentiel par les autorités. Sa stabilité avait été examinée cinq mois auparavant par une entreprise allemande et si des problèmes avaient été identifiés, un certificat de stabilité avait été délivré. Bref, il ne semblait pas particulièrement ressortir parmi les centaines de barrages miniers que compte le Minas Gerais, cœur minier du Brésil, lié à tel point à cette activité que son nom en est dérivé1.

Choc

La tragédie est survenue quatre ans après la rupture d’un barrage à Mariana, dans la même région, qui a causé dix-neuf morts et dévasté le Rio Doce sur des centaines de kilomètres. «Ces deux accidents ont constitué un vrai choc pour l’industrie minière, car les installations appartenaient à de grandes compagnies2, toutes censées avoir adopté des politiques de sécurité et de durabilité», remarque Lluís Fontboté, professeur honoraire au Département des Sciences de la Terre de l’Université de Genève.

Ils ont aussi placé ces structures sous les projecteurs. Les barrages miniers se sont répandus au XXème siècle et, au fil des années, on en a construit de plus en plus grands. Leur fonction? Le métal que les compagnies minières extraient se trouve dans des minéraux, eux-mêmes contenus dans du minerai, en quantité variable: typiquement deux tiers pour le fer brésilien (un cas exceptionnel), de 0,5% à 1% pour le cuivre chilien, 0,001% ou moins pour l’or. Il faut les séparer. Le procédé classique est la flottation. On réduit le minerai en poudre très fine que l’on place dans des bassins d’eau avec un additif, qui fait flotter le minéral convoité. «Ce procédé a permis l’essor industriel du XXème siècle», note Lluís Fontboté. «Avant qu’il n’apparaisse, les minéraux étaient difficiles à séparer du minerai, et les métaux qu’ils contiennent étaient beaucoup plus chers.»

Vallées condamnées

Il engendre cependant des quantités pharamineuses de boues, que l’on stocke dans des barrages, souvent construits en condamnant une vallée. Certains sont petits, d’autres rivalisent en dimension avec les plus grands barrages hydroélectriques.

Plus le temps avance, plus la quantité de résidus augmente: «comme les meilleurs gisements ont déjà été exploités, on s’attaque à des gisements dont la teneur en métal est moindre», remarque Lussandra Martins, professeure associée à l’Institut des géosciences de l’Université fédérale du Minas Gerais. «On produit donc plus de résidus pour chaque unité de métal.» Ces structures sont nombreuses à être fragiles. Chaque année, de dix à quinze accidents se produisent dans le monde. «Comme les barrages sont généralement construits en bouchant une vallée, la boue qui s’en échappe suit le lit du cours d’eau sans obstacle», remarque Lussandra Martins. C’est ce qui s’est passé à Brumadinho et à Mariana.

Effets variables

Les effets varient d’un cas à l’autre, notamment en fonction de la taille du barrage et de la composition des résidus. Certains sont peu toxiques, mais très abondants. Certains peuvent provoquer des pollutions dramatiques, mais limitées dans le temps, comme ceux qui contiennent du cyanure. D’autres peuvent laisser des traces durables, voire permanentes s’ils contiennent de grandes quantités de métaux lourds.

Si la plupart des ruptures a un impact limité, certaines sont dramatiques. L’Europe n’est pas épargnée. Des accidents majeurs se sont produits en Italie (268 morts en 1985), en Hongrie (dix morts en 2010), en Roumanie, en Espagne. Le barrage de la mine andalouse d’Aznalcollar a rompu en 1998. Les résidus, contenant des dizaines de milliers de tonnes de métaux, ont dévasté une zone naturelle de la taille de la ville de Genève, laissant en héritage une pollution élevée. «Sur toute la zone réhabilitée, il est permis de marcher, et c’est tout», écrit la journaliste Célia Izoard. «On ne peut ni cultiver, ni pratiquer la moindre activité de loisir, ni même pique-niquer.»

Progrès

Tous ces problèmes ont donné aux politiques une impulsion visant à limiter l’impact de l’industrie minière sur l’environnement. De multiples initiatives visent à réduire le risque représenté par les résidus. Une norme internationale a été définie pour les traiter de la manière la plus appropriée possible. Des compagnies utilisent de plus en plus des processus ne nécessitant pas la construction de barrages. Des chercheurs étudient les moyens de rendre les résidus moins nocifs, voire de les valoriser.

«De nombreuses mines de différents pays sont très bien gérées et ne posent pas de gros risques environnementaux», estime Lluís Fontboté. «Les grandes compagnies font de réels efforts, car elles ne peuvent pas se permettre de subir un accident, mais leurs objectifs environnementaux entrent parfois en conflit avec leurs objectifs économiques.»

Les installations désaffectées, d’autre part, peuvent constituer un risque à long terme.

1Minas Gerais signifie Mines générales.
2Samarco, appartenant à Vale et BHP Billiton, et Vale.

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