Numériser l’archéologie pour mieux la valoriser

Emmanuel et Jean-Philippe Clivaz ont développé une plateforme qui redéfinit la gestion des données archéologiques.
Emmanuel et Jean-Philippe Clivaz ont développé une plateforme qui redéfinit la gestion des données archéologiques.
Flavia Giovannelli
Publié jeudi 05 juin 2025
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#Innovation Des entrepreneurs valaisans sont à la pointe pour créer un écosystème international, avec un living lab inédit.

Loin des clichés façon Indiana Jones ou des passionnés de vieilles pierres, l’archéologie contemporaine se réinvente à l’ère du numérique et de l’intelligence artificielle.

En Valais, deux frères, Emmanuel et Jean-Philippe Clivaz, ont développé une plateforme inédite qui redéfinit la gestion des données archéologiques, de la fouille à la valorisation publique. «Je suis passionné par l’histoire et archéologie depuis toujours», commence Emmanuel Clivaz, qui vient pourtant d’un tout autre horizon. Docteur en relations internationales, spécialiste de la science des données et ancien cadre au sein de la division analyse de l’Office fédéral de la police, il a été confronté aux enjeux de traitement de données complexes en contexte opérationnel. Au fil du temps, il a nourri la vision d'une base d’analyse intégrée, sur laquelle il a travaillé depuis 2021. Son frère Jean-Philippe, ingénieur EPFL et expert en programmation, l’a ensuite rapidement rejoint pour fonder la PME AnalyticBase. Ensemble, ils ont défini deux axes d’activité, soit le développement de la plateforme ArcheoBase et le conseil et développement de solutions en intelligence artificielle.

Avant le lancement effectif, les fondateurs ont mené une enquête approfondie auprès des professionnels du secteur – services cantonaux, universités, musées, institutions privées – afin de cerner au mieux les attentes concrètes du terrain. Son objectif: proposer un outil intuitif, rapide et modulaire, capable d’unifier des pratiques et des données historiquement fragmentées.

Le résultat final a abouti à une plateforme allant bien au-delà d’un simple logiciel, car elle restructure la chaîne de valeur de l’archéologie en numérisant l’ensemble des informations disponibles et en rendant possible leur consultation croisée. En Suisse, les données archéologiques sont souvent dispersées selon les cantons et les institutions. L’une des premières réussites d’ArcheoBase a été l’intégration de plus de sept mille notices issues des Chroniques archéologiques suisses, dont certaines remontent à 1907. Jusqu’ici publiées en version papier dans un annuaire réservé aux spécialistes, ces notices sont désormais accessibles en ligne, sur le site d’Archéologie Suisse1, selon les principes de l’open data. «Cette ouverture permet non seulement de préserver le patrimoine, mais aussi d’en amplifier la diffusion scientifique, éducative et citoyenne», se réjouit Emmanuel Clivaz. L’approche favorise la collaboration interdisciplinaire, mais aussi avec le grand public, un véritable virage vers la démocratisation des connaissances patrimoniales.

Congrès probant à Athènes

En mai dernier, à l’occasion du congrès international Computer Applications and Quantitative Methods in Archaeology à Athènes, les deux entrepreneurs ont présenté leur projet sous le thème Horizons numériques. Ils ont ainsi constaté en direct l’intérêt de leur plateforme, qui a attiré l’attention d’experts du monde entier, séduits par son unicité.

Plus qu’un outil, ArcheoBase incarne l’ambition de constituer un pôle national et international en tissant des liens entre institutions archéologiques, académiques, sociétés privées et acteurs publics. Les fondateurs ne comptent pas s’arrêter là: ils projettent de développer de nouveaux modules pour la plateforme tout en poursuivant des prestations de conseil et développement sur mesure en intelligence artificielle.

Au-delà de l’archéologie, ArcheoBase montre comment le croisement entre expertise métier et technologies de pointe peut générer des outils à forte valeur ajoutée. Bénéficiant d’une solide maîtrise des technologies avancées, l’équipe fondatrice a pu, grâce au soutien d’archéologues brillants, identifier des problématiques concrètes et y apporter des réponses ciblées. Ce dialogue étroit entre spécialistes des données et professionnels de l’archéologie a permis de concevoir des solutions adaptées.

Cette approche pourrait être transposable à d’autres domaines confrontés à la dispersion ou à la sous-valorisation de leurs données: patrimoine bâti, recherche environnementale, médecine du travail, formation continue, etc. En misant sur l’ergonomie, la structuration collaborative et la transparence, des initiatives de ce type pourraient accélérer la transition numérique dans de nombreux secteurs. Une preuve que les vieilles pierres peuvent aussi tracer des pistes d’avenir.

1 archeologie-suisse.ch/as-portal

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