Ukrainiens de haut niveau de formation prêts à travailler
Inna Malaia, fondatrice de l'association Bevel ON
Pierre Cormon
Publié vendredi 16 mai 2025
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#Intégration
Alors que les employeurs recherchent du personnel qualifié, les Ukrainiens formés trouvent difficilement du travail. L’association Bevel ON veut faire le lien entre eux.
Alors que le Conseil fédéral encourage les employeurs à recruter des réfugiés ukrainiens, de nombreuses initiatives sont nées au sein même de cette communauté pour favoriser l’intégration de ses membres. C’est notamment le cas de Bevel ON, une association genevoise qui accompagne des cadres supérieurs et leur donne des outils pour s’intégrer sur le marché du travail.
C’est Inna Malaia, une entrepreneuse ukrainienne installée à Genève depuis 2015, qui l’a fondée. «En 2022, alors que de nombreux Ukrainiens arrivaient en Suisse pour fuir la guerre, une personne à qui on avait donné mon numéro de téléphone m’a appelée pour me demander conseil», raconte-t-elle. De là est née l’idée d’un programme d’accompagnement destiné à des cadres supérieurs. D’abord conçu comme ponctuel et informel, il s’est pérennisé et s’est structuré avec la fondation d’une association.
«Les personnes que nous accompagnons étaient des décideurs en Ukraine, avec des postes de haut niveau dans des domaines tels que la finance, le marketing, le management ou les technologies de l’information», explique Inna Malaia. «Elles ont toutes une bonne maîtrise de l’anglais, sont résilientes, dynamiques et ont un état d’esprit innovant.»
Malgré leurs qualifications, elles ont beaucoup de peine à s’intégrer sur le marché du travail suisse et sont souvent poussées à accepter des postes qui n’ont aucun rapport avec leurs qualifications. «Au niveau qui leur correspondrait, les postes sont la plupart du temps pourvus par le réseautage», poursuit Inna Malaia. «Or, elles n’ont pas de réseau ici et n’ont pas toujours les bons codes.»
La formation se déroule sur trois mois, en ligne, à raison de deux fois une heure et demie par semaine. Des événements sont également organisés hors ligne pour construire un réseau. Certains participants viennent de l’étranger, essentiellement de France, d’Allemagne et d’Autriche, mais également du Royaume-Uni.
Au terme du programme, les participants ont pris confiance en eux et en leurs capacités, connaissent les codes en vigueur en Suisse, savent comment réseauter, chercher un emploi, se présenter et même comment lancer leur propre affaire. Bevel ON a également mis en place un système de mentorat, avec des personnes de tous horizons, et va lancer une prestation de coaching. Quelque deux cents personnes ont déjà suivi le programme. Initialement conçu pour les Ukrainiens, il s’est récemment ouvert à des personnes d’autres pays rencontrant des problèmes similaires, comme des conjoints de travailleurs expatriés. Trente-huit pour cent des anciens participants ont trouvé un emploi et 18% mènent des activités telles que le bénévolat ou l’entrepreneuriat.
Ancrage
«On se plaint souvent de la pénurie de talents; nous avons des talents tout prêts à s’intégrer sur le marché du travail, mais il est difficile d’entamer la discussion avec les ressources humaines des grandes organisations», regrette Inna Malaia. «Nous avons créé une base de données avec des curriculum vitae à jour et sommes à la disposition des employeurs qui seraient à la recherche de candidats.» Ne risquent-ils pas de repartir dès que la situation s’améliorera dans leur pays? «Non», répond Inna Malaia. «Ils ont commencé à se créer une vie ici, ils s’y sentent en sécurité et leurs enfants vont à l’école.» Trouver un emploi correspondant à leurs capacités les ancrerait encore davantage.
La formation est assurée par des bénévoles et le programme ne reçoit que très peu de soutien financier. «La Suisse a reçu une énorme base de talents avec des compétences exceptionnelles, mais leur statut de réfugié leur ferme les portes», conclut Inna Malaia. «C’est ce que nous essayons de changer.»
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