FluoSphera prédit l’action des médicaments chez l’humain
Clélia Bourgoint et Grégory Segala forment un duo complémentaire.
Varlaam Diakoff/Entreprise romande
Flavia Giovannelli
Publié jeudi 16 janvier 2025
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#Innovation
FluoSphera a mis au point une technologie in vitro unique pour prédire l’action des médicaments chez l’humain. Issue de l’Université de Genève, la start-up connaît une expansion prometteuse, à l’image du potentiel de son invention.
À l’origine de FluoSphera, Clélia Bourgoint et Grégory Segala, un duo complémentaire, partagent leurs ambitions et leurs défis depuis leur laboratoire situé au Pavillon Ansermet à Genève.
Pouvez-vous présenter votre invention?
Grégory Segala - C’est une technologie totalement inédite, basée sur l’encapsulation de tissus humains en culture cellulaire 3D. Elle reproduit fidèlement la physiologie humaine et permet d’observer les conditions pathologiques in vitro. Les avantages sont nombreux: une meilleure prédictibilité des effets des médicaments, ainsi qu’une réduction des taux d’échecs – qui atteignent aujourd’hui plus de 90% pour les nouveaux médicaments candidats – et des économies de temps et d’argent. De plus, cette approche pourrait limiter le recours à l’expérimentation animale qui, en plus d’être controversée, se révèle souvent moins pertinente en raison des différences biologiques entre espèces. En résumé, la solution de FluoSphera réduit les coûts et les délais de mise sur le marché des médicaments.
Quelles ont été les grandes étapes de l’histoire de FluoSphera?
Grégory Segala - Tout a débuté au sein d’une équipe de la faculté des sciences de l’Université de Genève, que je dirigeais, et qui a participé à l’IGEM, la prestigieuse compétition internationale de biologie synthétique organisée à Boston. Nous avons remporté la médaille d’argent, une reconnaissance majeure qui a marqué un tournant pour notre projet. En parallèle, nous avons déposé un brevet pour protéger notre technologie, puis, fin 2021, fondé la start-up. Cette synergie entre innovation, reconnaissance internationale et protection intellectuelle a fondé les bases de notre aventure entrepreneuriale.
Les débuts ont-ils été difficiles?
Grégory Segala - Oui. Malgré le succès initial, nous avons connu une traversée du désert, marquée par le contexte difficile de la crise du covid, qui a éclaté peu après la naissance de notre technologie. Convaincre du potentiel industriel d’une innovation radicalement nouvelle n’est jamais simple. Cependant, je n’ai jamais douté du potentiel de notre solution. Dès le début, nous avons eu la chance de bénéficier du soutien précieux de la FONGIT, non seulement sur le plan financier, mais aussi en termes de coaching, ce qui nous a permis de développer des compétences clé en création d’entreprise, en gestion et développement centré sur l’innovation. Ce soutien a été déterminant pour surmonter ces défis et poser des bases solides pour notre start-up.
Quelle est la spécificité de la méthode FluoSphera?
Clélia Bourgoint - Notre technologie se distingue par son approche basée sur un système liquide, là où d’autres solutions utilisent des puces pour connecter différents organes, une méthode souvent rigide et coûteuse. Notre approche, au contraire, offre une grande flexibilité. Nous encapsulons des organoïdes - des mini-tissus - dans des capsules colorées pour les identifier: par exemple le foie en bleu, le poumon en rouge, etc. La combinaison de ces organoïdes encapsulés permet de recréer les interactions entre différents organes en les reconnaissant d’un coup d’œil. Ce système, à la fois simple et visuellement intuitif, offre une précision scientifique remarquable. Il simule avec finesse les interactions physiologiques entre les tissus et les molécules testées, qu’il s’agisse d’évaluer leur efficacité ou leurs effets secondaires. Le nom «FluoSphera» reflète parfaitement cette innovation: «Fluo» pour la fluorescence et «sphère» pour les capsules.
Avez-vous des exemples d’applications concrètes?
Grégory Segala - Oui, notre système est déjà opérationnel et capable d’évaluer simultanément l’efficacité de molécules anticancéreuses tout en analysant leurs deux principales toxicités cliniques, sur le foie et sur le cœur. Cette approche intégrée nous permet de fournir des données précises et pertinentes dès les phases précliniques. Nous avons également obtenu des résultats prometteurs, notamment en appliquant notre technologie à des modèles de cancer du sein, ouvrant ainsi la voie à des avancées significatives dans le domaine de l’oncologie.
Comment fonctionne votre binôme?
Clélia Bourgoint - Grégory est le créatif, et moi la pragmatique. C’est cette différence qui fait notre force. Nous avons beaucoup d’estime et de respect mutuel. Même si je n’ai pas participé aux recherches initiales, j’ai suivi le projet avec un grand intérêt. Quand Grégory m’a proposé de rejoindre FluoSphera en tant que cofondatrice, j’ai immédiatement accepté. C’est une occasion rare de participer au développement d’une innovation, où tout est à construire. Grégory Segala - Nous formons une équipe complémentaire. Clélia apporte un pragmatisme indispensable et une concentration inébranlable sur les objectifs, des qualités essentielles pour faire avancer une start-up.
Faut-il beaucoup d’argent pour innover dans un domaine aussi pointu et exigeant?
Grégory Segala - Oui. Nous avons levé près d’un demi-million de francs suisses pour permettre le transfert entre la recherche académique et l’industrie, concrétisé par la création de notre start-up. En 2022, nous avons levé un million de francs suisses auprès d’investisseurs privés, notamment grâce à IndieBio à New York, le plus grand accélérateur mondial en biotechnologie. En 2023, nous avons obtenu une subvention de 1,1 million de francs suisses d’Innosuisse, l’organisme finançant l’innovation, couvrant deux années de recherche et développement et renforçant notre capacité à innover et à accélérer notre développement.
Quels sont vos projets pour l’avenir?
Grégory Segala - Depuis notre création, nous avons levé environ 3,2 millions de francs. Ces fonds ont permis de valider notre technologie et de la proposer à des premiers partenaires. L’intérêt croissant du marché pour notre innovation nous offre des perspectives prometteuses, avec une forte croissance prévue en 2025. Notre ambition est clairement internationale: notre marché étant mondial, nous avons déjà établi un bureau aux États-Unis, un pôle clé, et pourrions également nous développer en Asie. À un horizon de trois à cinq ans, nous prévoyons de constituer une équipe d’environ cinquante collaborateurs pour répondre à la demande croissante. Un objectif important: voir les premiers médicaments issus de notre technologie entrer en phase clinique, concrétisant ainsi notre mission.
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