# Les projets forestiers constituent un cas à part dans la panoplie de mesures visant à compenser les émissions. Leur efficacité est loin d’être garantie.
Les projets forestiers constituent un véhicule privilégié pour la compensation des émissions de CO2. Ils peuvent consister à reboiser des parcelles ou à empêcher qu’une portion de forêt ne soit abattue. Dans les deux cas, l’efficacité est loin d’être garantie.
Les projets de reforestation ne tournent pas toujours comme on l’aurait imaginé. Un exemple célèbre concerne le groupe de rock Coldplay, qui a investi dans la plantation de dix mille manguiers dans une région très aride en Inde pour compenser les émissions d’une tournée. Mal géré, le projet a échoué et la plupart des arbres sont morts. Même s’ils avaient survécu, cela n’aurait constitué qu’un premier pas. Pour qu’une mesure de compensation fonctionne, le carbone devrait être fixé dans les arbres plantés environ une centaine d’années – aussi longtemps que le CO2 dont on cherche à compenser l’émission restera dans l’atmosphère. «Que se passe-t-il si la forêt brûle brusquement quelques années après que les crédits aient été vendus, ou que la prochaine génération a d’autre plans pour elle?» demande l’organisation non gouvernementale viennoise Finance & Trade Watch.
Prévention
Les programmes de préservation de la forêt existante reposent sur des bases encore plus fragiles. Ils consistent à financer un projet permettant de prévenir la déforestation. Pour calculer la quantité de coupes qu’ils permettent d’éviter, on se fonde sur des scénarios de référence, décrivant ce qui se serait passé si le projet n’avait pas été mis en œuvre. C’est évidemment impossible à déterminer avec précision: un changement de gouvernement, une phase de croissance ou une crise économique peuvent avoir une influence sensible sur le phénomène.
Plus la déforestation du scénario de référence est calculée de manière généreuse, plus le projet paraîtra vertueux en comparaison. On pourra ainsi vendre davantage de crédits de compensation. Il existe donc une incitation financière directe à surestimer l’impact des projets. Dans les cas d’abus les plus manifestes, les zones recevant des financements au titre de la compensation recoupent des zones déjà protégées, dans lesquelles la déforestation était de toute manière interdite.
Sans effet sur les causes
Des projets à Madagascar et au Congo ont été analysés par une équipe de chercheurs basés en Suisse, en France et en Italie. Ils «s’apparentent davantage à des «machines de réduction d’émissions virtuelles» visant à gonfler la production de crédits carbone, sans agir structurellement sur les caractéristiques économiques locales responsables de la déforestation», ont conclu les chercheurs. Or, agir sur les causes profondes est essentiel si on veut éviter que la déforestation éludée dans une zone ne se reporte pas sur une autre. Faute de quoi, «les paysans payés pour ne pas défricher une parcelle iront simplement le faire ailleurs», écrit Augustin Fragnière, chef de projet au Centre de compétences en durabilité de l’Université de Lausanne, dans son ouvrage La compensation carbone: illusion ou solution?
Enfin, l’efficacité n’est pas toujours au rendez-vous. La FIFA a par exemple acheté des crédits pour un projet de protection de la déforestation en Amazonie brésilienne. Le projet a été suspendu après quelques années: la zone avait connu une déforestation supérieure à celle que le projet était censé éviter. Des projets de préservation de la forêt cambodgienne ont également été examinés par le magazine d’investigation new yorkais ProPublica. Quatre ans après le commencement, seule la moitié de la surface concernée était encore couverte de forêt, ont montré les images satellite. On continuait pourtant à vendre des compensations liées à ce projet, supervisé par un organisme indépendant.
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