Pour la première fois depuis que la réunion annuelle du World Economic Forum (WEF) existe, un seul individu a dominé la quasi-totalité des débats. Et il y est parvenu sans même être là! En effet, le président américain n’a pas participé en personne à cette cinquante-cinquième édition, mais sa présence virtuelle et symbolique, ainsi que son intervention à distance jeudi 23 janvier, n’ont cessé de planer sur Davos et de marquer les esprits. En bref, il n’y en avait cette année que pour Trump!
Le quarante-septième président américain est incontestablement l’homme du moment, à la fois le produit des conditions qui l’ont amené au pouvoir et le «pourvoyeur» d’une ère radicalement nouvelle.
Son arrivée au pouvoir coïncide avec l‘affermissement des grandes tendances observées depuis la fin de la pandémie, notamment la montée en puissance des populismes, le retranchement nationaliste, le rôle beaucoup plus prééminent joué par les gouvernements, l’abandon progressif du libre-échange en faveur du mercantilisme et l’instabilité géopolitique croissante (marquée en particulier par la résurgence de conflits militaires).
Les politiques annoncées par Donald Trump corroborent ces tendances, tout en allant bien au-delà. La volée de mesures annoncées depuis le 20 janvier – date de l’investiture du nouveau président – et les déclarations sur ce qui se passera au cours des prochains mois marquent un tournant radical. Il s’agit bien d’un virage à 180 degrés remettant en cause non seulement les normes qui gouvernent depuis plusieurs décennies l’ordre libéral international (ou plutôt occidental), mais aussi de nombreuses règles qui régissent le fonctionnement des Etats démocratiques.
Dans le discours qu’il a prononcé en ligne après une introduction étonnamment révérencieuse de la part de Klaus Schwab (le fondateur du WEF et président de son conseil d’administration) et de Borge Brende (le directeur du WEF), Donald Trump a annoncé la couleur. Qu’a-t-il dit et que s’est-il dit à Davos à son propos?
Son intervention couvre un spectre de mesures particulièrement large, depuis l’abandon des politiques environnementales et la sortie des Etats-Unis des Accords de Paris concernant le changement climatique, la mise au rencart des politiques d’inclusion, d’équité et de diversité, le renvoi de nombreux immigrants, le retrait américain de l’Organisation mondiale de la santé, le recours à la guerre tarifaire comme instrument de politique internationale, jusqu’aux mesures susceptibles de propulser l’économie et la société américaines vers un nouvel âge d’or, surtout grâce à une dérégulation tous azimuts.
Aussi surprenant que cela paraisse, le sentiment général à Davos était emprunt d’optimisme. Pour une raison simple: la plupart des participants ne semblent avoir retenu des propos de Trump et des conversations autour de ce que ses politiques préfigurent que ce qu’ils souhaitaient entendre sur son agenda «pro-business». Dans la bouche de l’un d’entre eux (un gérant de fond américain), «Trump va mettre en place une forme de capitalisme radical qui éliminera tous les obstacles qu’un business peut rencontrer sur son chemin. Les marchés aiment cela.»
Certes, mais les marchés semblent pour le moment ignorer l’étendue des dommages collatéraux que les politiques de Donald Trump provoqueront nécessairement. Personne ne connaît encore le détail des mesures et des politiques à venir, et sans doute pas même le président lui-même, qui aime mettre en avant sa théorie du fou, dont il prétend qu’elle désarçonne ses adversaires, les forçant ainsi à faire des concessions. Ce régime de complète imprévisibilité dans lequel l’approche transactionnelle le dispute à la menace finira par mener à un monde où les gros finissent par manger les petits, un monde où prime la loi de la jungle. Ce n’est pas le genre d’environnement qu’apprécient les investisseurs qui ne peuvent opérer sans confiance dans l’avenir. Au fur et à mesure que le temps s’écoule, Donald Trump va ainsi semer la défiance auprès des partenaires des Etats-Unis, comme il a réussi à le faire en moins d’une semaine avec autant d’éclat auprès de la Colombie (menacée de droits de douane de 25% après que le président colombien ait refusé d’accueillir deux avions militaires transportant des migrants expulsés), du Canada (en réitérant son idée d’en faire le cinquante-et-unième Etat américain) et du Danemark (en menaçant de lui retirer le Groenland, par la force si nécessaire).
Donnons rendez-vous dans un an aux participants de la réunion de Davos. Peut-être leur humeur aura-t-elle changé d’ici là, avec le président américain apparaissant pour ce qu’il est véritablement: une version moderne du docteur Folamour.
En autorisant les services tiers, vous acceptez le dépôt et la lecture
de cookies et l'utilisation de technologies de suivi nécessaires à leur
bon fonctionnement. Voir notre politique de confidentialité.