#Ecole Les écoles privées s’alarment des mesures prévues par les autorités politiques.
«Les échanges avec le Département de l’instruction publique (DIP) sont quasiment inexistants. Les mesures d’alignement que l’on souhaite nous imposer mettent en danger nos écoles. Les établissements privés sont une force dans le domaine de l’enseignement pour le canton de Genève et nous contribuons au rayonnement de ce territoire.
Quelque treize mille cinq cents élèves sont scolarisés chez nos membres (soit environ 14% des effectifs du canton - ndlr). Notre voix doit être entendue.» Sean Power, directeur de l’Institut Florimont et président de l’Association genevoise des écoles privées (AGEP) – qui réunit quarante-huit établissements membres – s’est récemment exprimé lors d’une conférence de presse pour témoigner du fort mécontentement des acteurs de l’enseignement privé à Genève. L’objet du courroux? L’annonce par le DIP d’une prochaine refonte complète du fonctionnement des écoles privées à Genève. Pour l’AGEP, «la réforme, décidée sans échange préalable, pose de sérieuses questions juridiques et contractuelles; surtout, elle menace la diversité de l’enseignement à Genève».
Le nouveau règlement voulu par le DIP ambitionne d’aligner l’enseignement privé sur le fonctionnement de l’enseignement public, oubliant ici la richesse des approches pédagogiques différentes offertes par les établissements membres de l’AGEP et la complémentarité de ces derniers avec les écoles publiques. Au demeurant, les changements prévus semblent malvenus, puisque l’équilibre et la répartition des activités de formation entre les secteurs publics et privés constituent depuis des décennies un atout pour le canton du bout du lac.
Cet avantage était compris et valorisé, au fil des ans, par beaucoup de conseillers d’Etat, y compris de gauche, qui ont maintenu un dialogue régulier, indispensable et constructif avec les écoles privées, représentées par l’AGEP. Cela ne semble plus être le cas.
Une ingérence injustifiée
La conseillère d’Etat Anne Emery-Torracinta, qui s’apprête à quitter le Conseil d’Etat après les élections d’avril prochain et après dix ans passés à son poste, n’a en effet rencontré les représentants de l’AGEP qu’une fois pendant toutes ces années. Elle vient néanmoins de solliciter une rencontre dans l’urgence, à laquelle l’AGEP a répondu favorablement. «Nous ne sommes plus considérés comme des partenaires par le DIP, mais comme des éléments extérieurs qu’il faut réglementer. Il s’agit d’ingérence qui dépasse largement la mission de surveillance dévolue à l’Etat», explique Sean Power. Les conséquences de cette ingérence se manifestent de plusieurs façons.
D’abord, le DIP impose une nouvelle date butoir de début de scolarité pour un enfant, fixée à 3 ans au 31 juillet de l’année civile. «Or, dans les écoles privées concernées, les enfants ont l’obligation de commencer leur cursus (filières française et allemande ou encore dans le cadre de méthodes pédagogiques spécifiques) à l’âge 3 ans révolus durant l’année en cours», souligne l’AGEP. Plusieurs centaines d’enfants devront différer leur début de scolarité. «Ils devront être replacés en crèche, dans un canton où près de trois mille places manquent déjà», note Monique Roiné, directrice de l’Institut international de Lancy et membre du comité de l’AGEP.
De plus, ce changement de pratique provoquera «la fermeture de classes sous-dotées en effectifs et la perte d’emplois. Pour les familles, cela entraînera des choix difficiles, dont le renoncement à une activité professionnelle pour au moins un parent avec des difficultés potentielles de réinsertion une fois la période terminée. Pour le canton, enfin, l’accueil de plusieurs centaines d’enfants en crèche plutôt que par le système actuel des écoles privées coûtera au contribuable genevois plus de sept millions de francs supplémentaires chaque année». Pour l’AGEP, le différé du début de scolarité n’est qu’un aspect d’un contrôle plus large voulu par le DIP. Ce dernier, pour Sean Power, souhaite «s’imposer dans la gestion opérationnelle des écoles privées».
Volonté d’alignement du privé sur le public
Dans le projet actuel de refonte du règlement relatif à l’enseignement privé élaboré par le DIP, les établissements privés devraient soumettre à l’Etat la ratification des membres de la direction, la gestion de leurs locaux, tout changement de statut juridique ou encore les qualifications du personnel enseignant. Du côté du DIP, on affirme que le processus de consultation est toujours en cours: «Ce règlement, créé dans les années 1960, n’a pas vraiment évolué sur le fond ni sur la forme. Il doit être mis en conformité avec la loi sur l’instruction publique, entrée en vigueur en 2016, ainsi qu’avec le concordat HarmoS et l’obligation de formation jusqu’à 18 ans». L’AGEP reconnaît bel et bien les bienfaits d’une autorité de surveillance pour les programmes scolaires, toutefois, pour Sean Power, «nous sommes ici face à une volonté d’alignement du privé sur le public au niveau opérationnel. Cela n’a aucune valeur ajoutée au niveau pédagogique. Au contraire, ces mesures menacent la complémentarité des cursus d’enseignement répondant à la diversité des attentes et des besoins.
A Genève, chaque parent doit pouvoir choisir librement l’éducation qui sied à son enfant». Les écoles privées voient deux moyens d’agir pour défendre leur point de vue. D’abord, au niveau politique, un projet modifiant la loi sur l’accueil préscolaire a été soumis au Grand Conseil, pour permettre aux écoles privées de continuer d’accueillir les enfants dès 3 ans et «d’offrir ainsi une offre complémentaire».
Ensuite, au niveau juridique, la refonte du règlement pourrait violer le principe de la séparation des pouvoirs et le sens de la loi sur l’instruction publique qui prévoit la diversité de l’enseignement. C’est, en substance, les propos tenus par Maître Nicolas Jeandin, avocat de l’AGEP.
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