L’économie subit une pénurie de main-d’œuvre

Grégory Tesnier
Publié le mardi 12 septembre 2023
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#Rentrée économique Situation difficile pour les entreprises, avec un marché de l’emploi qui ne répond pas à leurs attentes.

La situation des affaires n’a jamais été aussi défavorable depuis deux ans. Voilà la conclusion pessimiste de la dernière étude conjoncturelle du KOF, le Centre de recherches conjoncturelles de l’École polytechnique fédérale de Zurich. Et pourtant, dans ce climat économique moins dynamique, la pénurie de main-d’œuvre qualifiée demeure, même si elle n’est plus aussi marquée qu’au cours des derniers mois. Ce constat est confirmé par le groupe spécialisé Adecco, qui note qu’en raison «du ralentissement de l’économie mondiale, la pénurie de main-d’œuvre qualifiée en Suisse n’augmentera pas autant cette année que l’année dernière». Une situation problématique moins grave, mais qui complique toujours la vie de nombreux secteurs d’activité. Parmi ceux qui souffrent encore le plus de cette pénurie, citons l’industrie manufacturière, les services financiers, les assurances ou le domaine de la construction et de l’étude de projets. En revanche, les secteurs de l’hôtellerie et du commerce de détail connaissent une situation plus favorable sur le marché de l’emploi.

De façon générale et pour toutes les branches, la recherche de personnel possédant des compétences adaptées à leurs besoins reste un souci majeur, ce que confirment les observations de l’Office fédéral de la statistique (lire l’encadré ci-contre) ou celles de Boris Eicher, responsable du service juridique de Swissstaffing, l’association faîtière des employeurs actifs dans les services suisses de l’emploi. «Nous constatons cette situation paradoxale: un marché de l’emploi tendu dans un contexte de ralentissement économique.

Dans notre branche, cela se traduit par une baisse de la demande pour du travail temporaire et par une hausse des offres pour des emplois fixes. Les employeurs cherchent à fidéliser leurs employés. Emplois temporaires en baisse, emplois fixes en hausse sont les signes typiques du plein emploi.» C’est aussi le sentiment de Sarah Pfander, directrice d’ATEC Personal AG, un prestataire de services de l’emploi basé à Fribourg. L’experte indique que «le nombre de travailleurs temporaires est en net recul par rapport à l’année dernière. Les demandes sont là, mais les demandeurs d’emploi pour des prises de fonction à court terme font défaut.»

La pénurie de main-d’œuvre devra être comblée

Chez Manpower, autre entreprise spécialiste du recrutement, Laurent Vacelet, directeur pour la Suisse romande et le Tessin, insiste sur le caractère relatif des prévisions économiques plus sombres qu’il y a quelques mois: «Cela fait sept ou huit semestres que l’on enregistre des demandes d’engagements supplémentaires. En outre, le taux de chômage reste très bas». Pour lui, plusieurs tendances de long terme font que le marché de l’emploi demeurera tendu pendant longtemps encore.

Les tendances de long terme? La sortie du marché du travail des nombreux représentants de la génération du baby boom, la transformation numérique des organisations, qui oblige à recruter de nouveaux spécialistes, la perte d’attrait de certaines professions réputées difficiles, le changement de comportements des collaboratrices et des collaborateurs, devenus plus exigeants en matière de qualité et d’équilibre de vie. «Les dernières études réalisées par ManpowerGroup font état d’une grave pénurie de talents: 76% des employeurs déclarent avoir des difficultés à pourvoir les postes vacants. Selon le Secrétariat d’Etat à l’économie, il y a actuellement environ nonante mille postes vacants en Suisse. La crise sanitaire des années 2020-2022 a aggravé le problème dans certaines branches, mais depuis de nombreuses années déjà, les entreprises peinent à embaucher des spécialistes dans certaines professions. Et la situation risque de durer. Une des solutions pour répondre efficacement, mais en partie seulement, à cet état de fait, consiste à encourager la formation, notamment la formation continue, pour que les compétences des demandeurs d’emploi correspondent davantage avec celles demandées par les employeurs.»

Fonds de formation continue

Dans cette perspective, Boris Eicher mentionne l’existence d’un fonds de formation continue proposé par Swissstaffing et dont le but est précisément d’encourager les travailleurs temporaires à acquérir de nouvelles connaissances ou à renforcer leur savoir-faire et leur employabilité. Finalement, pour Marius Osterfeld, responsable du Département économie et politique de Swissstaffing, deux scénarios sont envisageables à court terme: «Soit le vent tourne et l’activité économique ralentit, soit le plein emploi demeure constant en raison de la robustesse de l’économie et de l’évolution démographique». Il ajoute: «Même en cas de ralentissement économique, celui-ci apparaîtra a posteriori comme un léger creux. Au vu de la démographie, le marché du travail suisse perdra à l’avenir des milliers de travailleurs et cette pénurie de main-d’œuvre devra être comblée».

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