«Si l’initiative sur les successions passe, la classe moyenne devra payer plus d’impôts
Daniella Gorbunova
Publié vendredi 31 janvier 2025
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#Votation
Interview de Vincent Simon, suppléant de la direction romande et responsable de projets Finances et fiscalité à economiesuisse.
Suppléant de la direction romande et responsable de projets Finances et fiscalité à economiesuisse, Vincent Simon explique pourquoi l’initiative Pour une politique climatique sociale financée de manière juste fiscalement (initiative pour l’avenir) serait un autogoal pour la Suisse, ses entreprises familiales et sa classe moyenne.
Vincent Simon, quand on vous dit Initiative pour l’avenir, quels sont les trois premiers mots qui vous viennent en tête?
Je pense que ce texte est illusoire, risqué, et qu’il viole un certain nombre de principes constitutionnels. Illusoire, car les rendements attendus ne seront pas ceux espérés - j’y reviendrai.
Risqué, notamment pour les entreprises familiales qui devront être vendues, totalement ou partiellement, pour payer cet impôt. Cette initiative ne respecte pas certains principes constitutionnels comme la liberté d’établissement, la liberté économique et l’universalité de l’impôt. Bref, nous ne devrions pas créer un impôt qui ne vise que deux mille cinq cents personnes en Suisse.
Si cette initiative était acceptée par le peuple, qu’est-ce que la Suisse y gagnerait et y perdrait concrètement?
La Suisse a tout à y perdre. Ce n’est pas un projet gagnant-gagnant, mais perdant-perdant. Non seulement nous allons mettre en danger la transmission de grandes sociétés familiales, mais nous allons aussi perdre des recettes fiscales plutôt que les augmenter. Il faut le dire: les gens sont très sensibles à la question de l’impôt sur la succession. Si nous imposons cette dernière à 50%, nous savons que beaucoup des personnes concernées quitteront la Suisse. Parce qu’elles n’y ont pas d’attaches particulières, parce qu’elles ne veulent pas risquer l’avenir de leur entreprise, etc.
Vous dites que la Suisse risque de perdre des recettes fiscales plutôt que d’en gagner. C’est-à-dire?
Si des gens quittent la Suisse à cause de cette initiative, cet impôt sur la succession ne rapportera tout simplement pas ce que les Jeunes socialistes espèrent. Pire encore: tous les impôts que ces contribuables paient déjà — sur la fortune, sur le revenu, sur les dividendes, etc. — disparaîtront. Le résultat final serait assez tragique, puisqu'entre 77% et 93% de la masse taxable potentielle quitterait le pays. Nous toucherions peut-être quelques centaines de millions de francs avec cet impôt. Or, de l’autre côté, nous perdrions des milliards sur ce que ces gens aisés paient chaque année à l’heure actuelle.
Vous avez l’air très sûr de vous et de ces chiffres.
Oui, et je ne suis pas le seul. Le professeur Marius Brülhart, économiste de l’Université de Lausanne, mandaté par la Confédération, l’a constaté lui aussi: l’impôt sur la succession, lorsqu'il est élevé, provoque des départs. Je cite un autre exemple concret: environ une centaine de millionnaires d’origine norvégienne ont quitté leur pays à la suite d’une légère hausse de leur impôt sur la fortune et les dividendes. Cela alors que le niveau d’imposition était devenu à peine plus élevé que celui de Genève. Le Royaume-Uni connaît le même problème: le gouvernement veut rétablir des impôts très élevés sur la succession et supprimer des niches fiscales. Résultat: des milliers de personnes sont en train de quitter Londres. Il ne faut donc pas se faire d’illusions. Un entrepreneur suisse qui possède une grande entreprise familiale et qui devrait payer, si l’initiative est adoptée, des centaines de millions, voire un milliard de francs, lorsqu’il procède à une donation dans sa famille, ne resterait pas en Suisse. Peter Spuhler, propriétaire de Stadler Rail, a évoqué très clairement qu’il quitterait le pays. Les impôts qu’il paie chaque année partiraient avec lui.
La crainte de l’exode de grandes fortunes est volontiers brandie en Suisse à chaque votation qui touche à la fiscalité. Mais, jusqu’à présent, cela ne s’est jamais concrétisé.
En effet. Car nous n’avons jamais fait d’erreur suffisamment lourde pour que cela devienne une réalité. Mais si les Suisses adoptaient cette initiative, les grandes fortunes partiraient bel et bien, je vous l’assure. economiesuisse a constaté que ce texte a déjà provoqué de grandes inquiétudes. Beaucoup de personnes se sont même demandé s'il ne valait pas mieux s’en aller avant qu’il n’y ait une votation populaire, en raison du dispositif rétroactif prévu par l’initiative. J’ai cependant confiance dans le peuple suisse, je sais qu’il n’acceptera pas ce projet. Car, encore une fois, tout le monde y perdrait.
Comment l’acceptation de ce texte affecterait-elle le quotidien de Madame et Monsieur tout le monde?
Si l’initiative passe et que les grandes fortunes quittent le pays, la Suisse perdrait plusieurs milliards de francs de recettes fiscales. La classe moyenne devrait alors payer plus d’impôts pour combler les trous. Nous devrions faire des économies substantielles dans les prestations fournies par les cantons, les communes et la Confédération.
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