Bien qu’en perte de vitesse, le fax survit

Trois millions de personnes utilisent la solution de fax de l’entreprise genevoise Alohi, qui fonctionne aussi sur téléphone portable
Trois millions de personnes utilisent la solution de fax de l’entreprise genevoise Alohi, qui fonctionne aussi sur téléphone portable
Pierre Cormon
Publié le mercredi 10 avril 2024
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Rémi Lafaix, pharmacien responsable de Pharma24, à Genève, aimerait bien que son entreprise se passe du fax. C’est impossible. Des médecins continuent à envoyer des ordonnances par ce moyen de communication qualifié de «vestige de l’ère analogique» par l’opérateur télécom Swisscom. Tout au plus Pharma24 a-t-elle pu moderniser leur réception: un système les numérise et les transforme automatiquement en pièces jointes d’un e-mail.

L’usage du fax diminue rapidement en Suisse: Swisscom a enregistré une baisse de 51% des envois entre 2021 et 2023. Certaines branches s’en passent presque complètement.

Dans les entreprises internationales

A Genève, le Pouvoir judiciaire a supprimé les communications par fax depuis plusieurs années. «La communication électronique dans le cadre des procédures pénales et civiles est cependant possible entre les parties et les autorités judiciaires de l'Etat de Genève, à certaines conditions», précise Stéphanie Chuffart- Finsterwald, avocate et présidente de la Commission innovations et modernisation du barreau de l’Ordre des avocats de Genève. «L’utilisation du fax dans les études d’avocats et avocates n’est ainsi plus que marginale.»

Il se maintient cependant dans d’autres secteurs. «On nous en demande encore régulièrement, notamment dans les domaines de la santé et de la logistique», observe Claude Devillard, directeur général de l’entreprise de bureautique Devillard. «Les dépôts ne sont pas forcément équipés d’ordinateurs et, quand c’est le cas, tout le monde n’est pas à l’aise avec. On faxe donc souvent les bulletins de livraison.» Il est aussi utilisé dans le commerce international, notamment pour les relations avec des pays ne reconnaissant pas la signature électronique.

Les machines, cependant, ont évolué. «Le fax est le plus souvent intégré à un appareil multifonction: photocopieuse, scanner, imprimante», remarque Claude Devillard. L’entreprise genevoise Alohi a même développé une solution de fax très conviviale pouvant être utilisée avec un téléphone portable. Elle est employée par trois millions de personnes dans le monde.

Le fax a ses avantages

«Lorsqu’un médecin écrit une ordonnance à la main, il est beaucoup plus rapide de la faxer que de la numériser, de l’enregistrer, de l’annexer à un e-mail et de rédiger un message d’accompagnement», remarque Rémi Lafaix. Il en va de même pour les commandes et les bulletins de livraison papier, dans le secteur de la logistique. On dispose également d’un bordereau attestant de la transmission.

Ce mode de communication a aussi des inconvénients. «Il rend difficile de faire des recherches dans le passé», note Rémi Lafaix. De plus, il pose des problèmes de sécurité. «Si vous vous trompez de numéro, vous ne savez pas où le fax arrive, alors que si vous vous trompez dans une adresse e-mail, vous recevez un message d’erreur», remarque le président de pharma Genève, l’association faîtière du secteur dans le canton. «Une messagerie comme WhatsApp est cryptée d’un bout à l’autre et il existe différentes manières de protéger des documents, par exemple avec un cryptage, une protection par mot de passe, etc.», note Rolf Ziebold, porte-parole de l’opérateur télécom Sunrise. «On peut aussi les transmettre par e-mail sécurisé. Ce n’est pas le cas avec le fax.» «Il n’est plus considéré comme un moyen de transmission sûr», confirme Alicia Richon, porte-parole de Swisscom. Il ne s’agit cependant pas d’une règle absolue: la sécurité de la solution FAX.PLUS est garantie par plusieurs certifications, telles qu’ISO 27001 ou SOC2.

Le fax est-il condamné? Les avis divergent. Fondateur d’Alohi, Alireza Ghasemzadeh lui donne quelques années avant de disparaître. «Dans le domaine de la santé, il est surtout utilisé par des médecins de l’ancienne génération», renchérit Rémi Lafaix. «Au fur et à mesure qu’ils partent à la retraite, ils sont remplacés par des jeunes qui utilisent des dossiers électroniques.» Claude Devillard est plus nuancé. «Son usage a diminué, mais je pense qu’on continuera à l’utiliser à moyen terme», pronostique-t-il. «Très peu de médias disparaissent et la majorité des entreprises a gardé un lien avec le fax.»

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