Des virus pour sauver des patates 4/4

Pommes de terre: la maladie de la jambe noire entraîne une perte de production.
Pommes de terre: la maladie de la jambe noire entraîne une perte de production.
Pierre Cormon
Publié jeudi 30 octobre 2025
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#Bactériophages On peut aussi employer des phages médicaux dans l'agriculture.

Parlez de la jambe noire ou de la pourriture molle à un producteur de pommes de terre et il y a des chances qu’il lève les yeux au ciel. Ces deux maladies bactériennes attaquent les tubercules dans les champs, mais aussi pendant leur stockage. Les pertes causées par la première étaient estimées à 2,5 millions de francs par année en 2015, dans un article de Recherche agronomique suisse.
es méthodes peuvent prévenir l’apparition de ces maladies. «Quand elles se sont déclarées, en revanche, il n’existe pas de traitement adéquat», remarque Carmen Jungo Rhême, professeure à la Haute école d'ingénierie et d'architecture de Fribourg et directrice du Biofactory Competence Center. «Les produits qui pourraient les détruire détruiraient aussi la culture. Une part de la récolte est donc toujours perdue.»

Agriculture

Issue de l’industrie pharmaceutique, Carmen Jungo Rhême connaissait l’emploi des phages médicaux. Cela l’a incitée à explorer leur potentiel dans l’agriculture, grâce à un financement de Fribourg Agri & Food. Elle s’est appuyée sur l’expérience du Laboratoire des bactériophages et de phagothérapie du CHUV, référence en la matière. «Les phages à usage agricole sont différents de ceux à usage médical, mais les méthodes pour les isoler sont les mêmes», explique Grégory Resch, son responsable. Une ligne de produits à base de phages est autorisée aux Etats-Unis pour cibler différentes maladies bactériennes (AgriPhage). La Géorgie a également une longue tradition en la matière. Ailleurs, notamment en Suisse, on en est généralement au stade des recherches et des essais pilote.
Lorsque la Fédération suisse des producteurs de semences a signalé deux champs fribourgeois de pommes de terre infectés par la jambe noire et la pourriture molle, Carmen Jungo Rhême a pris contact avec les agriculteurs.
Des échantillons prélevés dans la terre de ces champs ont été testés. On y a isolé un phage attaquant la bactérie responsable de la pourriture molle et de la jambe noire. Les recherches en sont là, mais le but est de pouvoir tester son efficacité en conditions réelles, sur des plantes infectées, avec l’institut de recherches fédéral Agroscope, partenaire du projet. «Les agriculteurs étaient très intéressés à essayer cette approche», rapporte Carmen Jungo Rhême. Cela demandera encore du temps et des financements. «Il reste plusieurs étapes à franchir avant de pouvoir utiliser ces bactériophages à plus large échelle, même si les conditions sont moins strictes que pour l’utilisation en médecine humaine», remarque Carmen Jungo Rhême. «Il faudra en particulier qu’une entreprise soit intéressée à les produire.»

Demande de financement refusée

Les coûts de production devront être assez bas pour que les produits soient accessibles pour l’agriculture, un secteur aux marges basses. «Nous avons déposé une demande de financement pour isoler des phages pouvant traiter des affections bactériennes chez les vaches, il y a quelques années», raconte Grégory Resch. «Elle a été refusée au motif que, si le traitement coûtait plus de trois mille francs, l’éleveur avait intérêt à abattre sa vache et à en acheter une autre plutôt qu’à la soigner. Mais le coût aurait pu être inférieur si le traitement avait été produit en quantité suffisante.»

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