Gouvernance d’entreprise: mieux vaut penser l’impensable

Maurice Satineau
Publié jeudi 22 mai 2025
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#Journée de la gouvernance Une centaine de décideurs et de chefs d’entreprise romands se sont réunis le 13 mai à Lausanne. Dans une période troublée, ils ont pris conscience qu’il fallait désormais penser l’impensable.

Les entreprises ont l’habitude de faire auditer leurs comptes au niveau financier, éventuellement leurs processus de production sur un plan technique. Très peu osent se pencher sur l’analyse de leur méthode de gouvernance. Dans cette approche spécifique, on découvre parfois «que des gens se détestent», confie Isabelle Cartier-Rumo, associée et membre de la direction romande de BDO. Au sein des entreprises, cette spécialiste pose un œil particulier sur le binôme formé par la direction générale et la présidence du conseil d’administration.

Les crises se succèdent

Si l’on s’y retrouve à peu près dans les organigrammes des grands groupes, l’exercice devient nettement plus compliqué dans le monde des PME. «Certaines personnes sont en quelque sorte multi-casquettes. Il s’agit alors de déterminer quelle posture elles adoptent, pourquoi et à quel moment.» La réunion a mis en évidence la nécessité d’explorer la gouvernance dans ses moindres détails, jusque dans les formations et les compétences des membres du conseil d’administration. A l’ère des cyberattaques et des problèmes géostratégiques, cet organe n’a pas toujours les connaissances indispensables pour garantir une bonne réactivité. Et comme les périodes de crise se succèdent, la gouvernance en elle-même devient une prise de risque supplémentaire. La création d’un comité auprès du conseil d’administration peut s’avérer utile, même sans pouvoir de décision, à la condition que sa mission soit bien définie et sur un sujet précis. Une légère méfiance envers les «groupes de travail autogérés», a été ressentie.

Doucement les mains

Dans les couloirs des Retraites Populaires, un slogan est à la mode: «Y mettre son nez, mais pas les mains». Selon son auteur, qui est aussi le directeur général Eric Niederhauser, cette formule illustre assez bien les relations entretenues entre ses responsabilités et les administrateurs. Il leur arrive parfois de discuter de la couleur d’une publicité, mais pas d’un recrutement. Cette institution publique vaudoise a néanmoins mis en place un schéma comportant quatre niveaux de crise envisageables: à partir du second degré, il convient de resserrer les liens et le dialogue pour assurer l’efficacité dans la tempête. Eviter une sur-réaction de l’un ou l’autre acteur face aux difficultés: voilà le défi qui se pose également en termes de responsabilités dans le bureau directorial et dans la salle du conseil.

Risques

De nos jours, la crise est partout et pratiquement permanente, faisant apparaître à la fois des risques stratégiques et des risques opérationnels. Pourtant, un grand souci peut en chasser un autre avant même qu’il ne soit résolu. Les experts notent une sorte de ralentissement dans la dimension ESG de la gouvernance. Ce n’est pas l’abandon de normes, d’ailleurs souvent inscrites dans la législation, mais «des lendemains tellement évidents hier qu’ils ne sont plus si évidents», selon Isabelle Cartier-Rumo. L’Amérique d’aujourd’hui ne serait pas étrangère à cette attitude.

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