Heures supplémentaires: quelles nouveautés?

Olivia Guyot-Unger
Publié jeudi 05 juin 2025
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#Droit du travail Même si l’employeur est informé que des heures supplémentaires ont été effectuées, celles-ci doivent être précisément quantifiées et communiquées dans un délai raisonnable, précise le SAJEC.

Les heures supplémentaires représentent le temps de travail qui dépasse celui convenu par contrat ou par convention collective de travail.

Le travailleur peut et doit effectuer de son propre chef des heures supplémentaires si les circonstances l’exigent à la double condition qu’il puisse s’en charger personnellement et que les règles de la bonne foi permettent de l’exiger de lui. Les heures supplémentaires de travail accomplies spontanément par le travailleur doivent être annoncées sans tarder à l’employeur. Ce dernier doit en effet pouvoir les approuver, répartir autrement les tâches ou encore engager du personnel d’appoint. Si l’employeur n’a pas connaissance du surcroît de travail nécessaire et que, selon les circonstances, il n’est pas censé en avoir connaissance, l’acceptation sans réserve du salaire habituel par le travailleur vaut renonciation à l’indemnisation d’éventuelles heures supplémentaires .

En revanche, l’employeur n’a pas à être avisé immédiatement lorsque, sur la base des circonstances, il dispose de suffisamment d’indices démontrant que le temps de travail convenu ne suffit pas pour exécuter les tâches confiées au travailleur.

Les heures supplémentaires accomplies au su de l’employeur sont traitées comme si elles avaient été ordonnées par l’employeur si le travailleur a pu déduire du silence de celui-ci qu’il en approuvait le principe.

L’arrêt du Tribunal fédéral du 8 avril 20251

Une employée agricole travaillait depuis 1992 dans une ferme du Gros de Vaud. Le 21 juillet 2020, l’employeur a licencié l’employée agricole pour le 31 octobre 2020. Le 27 juillet 2020, l'intéressée s'est opposée à son licenciement et a mis en demeure son employeur de lui payer l'ensemble de ses heures supplémentaires avec le salaire du mois d'août 2020.

Dès 2021, l'employée a saisi les juridictions compétentes successives, d’abord le Tribunal de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois, puis le Tribunal cantonal vaudois et enfin le Tribunal fédéral. Elle demandait que son ancien employeur soit condamné à lui verser 61 600 francs suisses pour 2572 heures supplémentaires effectuées entre le 1er novembre 2015 et le 31 décembre 2019. L’employée a établi un décompte indiquant qu’en 2019, elle avait travaillé de 8 h à 17 h, avec une pause de 12 h à 13 h 30, ainsi qu'une heure par semaine consacrée à la vente d'œufs.

La Cour cantonale a relevé qu'il n'existait pas d'éléments concrets permettant de retenir que l’employeur avait connaissance du fait que son employée effectuait des heures supplémentaires. Ensuite, même si l’employeur avait été informé de la réalisation d'heures supplémentaires, l’employée ne devait pas attendre indéfiniment pour les chiffrer. Or, l'intéressée avait accepté son salaire sans réserve pendant de nombreuses années et n'avait annoncé ses heures supplémentaires qu'après avoir été licenciée. Les Cours cantonales en ont conclu que la prétention de l’employée apparaissait ainsi abusive. Enfin, les Cours cantonales avait constaté que l’employée n’avait pas été en mesure de prouver la quotité des heures dont elle réclamait la rétribution.

Aux termes de son arrêt, le Tribunal fédéral rappelle tout d’abord qu’il appartient à l’employé qui réclame le paiement d’heures supplémentaires de prouver qu'il les a accomplies et, en plus, que celles-ci ont été ordonnées par l'employeur ou étaient nécessaires à la sauvegarde des intérêts légitimes de ce dernier2.

Lorsqu'il effectue spontanément des heures supplémentaires commandées par les circonstances, le travailleur doit en principe les déclarer dans un délai utile afin de permettre à l'employeur, d'une part, de prendre d'éventuelles mesures d'organisation pour éviter des heures supplémentaires à l'avenir et, d'autre part, d'approuver un tel travail. Si le travailleur tarde à annoncer les heures supplémentaires et accepte sans réserve le paiement de son salaire afférent à la période concernée, il risque d'être déchu du droit de réclamer ultérieurement le paiement de ces heures supplémentaires. Le Tribunal fédéral rappelle ensuite que lorsque l'employeur sait ou doit savoir que l'employé accomplit des heures au-delà de la limite contractuelle, l’employé peut, de bonne foi, déduire du silence de son employeur que lesdites heures sont approuvées, sans avoir à démontrer qu'elles sont nécessaires pour accomplir le travail demandé. Une annonce rapide (à l’occasion du paiement du premier salaire) du nombre d'heures supplémentaires exact n'est alors pas indispensable à la rémunération de celles-ci. Ainsi, si le travailleur peut partir de l'idée que l'employeur est conscient de la nécessité d'exécuter des heures supplémentaires, il est autorisé à attendre, pour chiffrer ses heures supplémentaires, de savoir si et dans quelles proportions il aura besoin, à long terme, de plus de temps pour accomplir les tâches qui lui ont été confiées. Cela vaut en particulier lorsque les parties ont convenu de la possibilité de compenser les heures supplémentaires dans un certain délai.

Dans le cas particulier, le Tribunal fédéral relève que même si l’employeur connaissait la nécessité d'effectuer un certain nombre d'heures supplémentaires, cela ne dispensait pas pour autant l’employée d’annoncer à son employeur le nombre d’heures supplémentaires effectuées. Cette connaissance par l’employeur du principe de la nécessité d’effectuer des heures supplémentaires autoriserait uniquement l’employée à ne pas avoir à chiffrer rapidement ses heures supplémentaires exactes (quotité). L’employée ne pouvait toutefois pas attendre plusieurs années pour indiquer, en 2021 un nombre de 2572 heures supplémentaires effectuées depuis 2015 sans jamais avoir fait état d'une quelconque quotité auparavant.

L’employée soutient qu’elle n'aurait pas attendu des années avant de «formuler ses prétentions», mais que l’employeur n'y avait jamais donné suite. Or, ce n’est pas la tardiveté de la demande d'indemnisation des heures supplémentaires qui est reprochée à l’employée, mais la tardiveté de l'annonce de la quotité de ces heures supplémentaires effectuées. En outre, l’employée s’est limitée à affirmer qu'elle s'était plainte à son employeur du fait qu'elle travaillait trop ou qu'elle «faisait beaucoup d'heures». Cela n’équivaut pas à communiquer le nombre, soit la quotité, d'heures supplémentaires réalisées.

Même si un décompte d'heures a été établi par l’employée pour l'année 2019, cela n'y change rien: L’employeur n’a en effet découvert le décompte en question, établi selon toute vraisemblance uniquement pour les besoins de la procédure judiciaire, que dans le cadre de cette dernière. Le Tribunal fédéral conclut, tout comme les Cours cantonales, que la prétention en rétribution d’heures supplémentaires formulée par l’employée plusieurs années plus tard apparaît ainsi effectivement abusive et rejette le recours de l’employée.

Conclusion

Même si l’employeur est informé que des heures supplémentaires ont été effectuées, celles-ci doivent être précisément quantifiées et communiquées dans un délai raisonnable. Il n’est donc pas acceptable d’attendre plusieurs années avant de les déclarer.

1 4A-662/2024
2 Cf. article 321c alinéa 1 du Code des obligations (CO)

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