La Suisse traite ses poids lourds en poids plume

Aucune des priorités d’investissement ne favorise le transport routier.
Aucune des priorités d’investissement ne favorise le transport routier.
Pierre Cormon
Publié mardi 21 octobre 2025
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#Transport Le rapport proposant les priorités d’investissement de la Confédération dans le transport néglige le transport routier, estiment ses représentants.

Quelles infrastructures de transport la Suisse doit-elle réaliser en priorité d’ici à 2045? Telle est la question que le Conseil fédéral a chargé un expert d’examiner, le professeur Ulrich Weidmann de l’Ecole polytechnique de Zurich. Depuis la publication de son rapport la semaine dernière, politiques et experts se sont abondamment exprimés. On a moins entendu les entreprises. Andrea Genecand, président de la section genevoise de l’Association suisse des transports routiers (ASTAG), livre son analyse.

Le transport routier a-t-il été suffisamment pris en compte dans le rapport?
Non. Aucun des projets d’agglomération qu’il a jugés prioritaires à Genève ne concerne la route, à part l’utilisation de la bande d’arrêt d’urgence sur l’autoroute entre Nyon et Genève. Or, nous faisons face à une congestion croissante.

La Constitution oblige la Confédération à encourager le report du trafic de marchandises de la route vers le rail…
Nous sommes favorables au fret ferroviaire quand cela est justifié: j’y ai moi-même recours dans mon entreprise. Mais il ne peut pas remplacer le transport routier. Prenez le commerce extérieur. Le transport routier représentait 51% de son volume en 2000, 67% aujourd’hui. Le problème est simple. Les pays qui nous entourent n’ont pas misé sur le fret ferroviaire (à part l’Autriche - ndlr). Les marchandises arrivent en camion en Suisse et il serait trop coûteux de les transborder sur des trains pour de si courtes distances. De plus, le rail ne va pas partout. Le transport routier est donc là pour rester.

En favorisant les infrastructures de transport public, les mesures privilégiées par le rapport libéreront de la place sur la route, ce qui facilitera le trafic professionnel…
Ce n’est pas toujours aussi simple. Les infrastructures de transport public peuvent prendre de la place sur la voirie, ce qui handicape le trafic professionnel. Nous n’y voyons pas d’inconvénients si on aménage parallèlement des itinéraires d’évitement. Le tram de Ferney constitue un bon exemple. On a lié sa réalisation à celle d’un itinéraire d’évitement, la Route des Nations. Nous l’avons soutenu. Nous avons en revanche déposé un recours contre le projet de bus à haut niveau de service entre la Gare Cornavin et la zone industrielle de Meyrin-Satigny-Vernier, avec les autres associations membres de RouteGenève. Il emprunterait une route cruciale pour les transports professionnels sans qu’aucun itinéraire de remplacement n’ait été proposé.

Le rapport considère aussi le projet de traversée du lac comme non prioritaire…
Oui, et c’est regrettable. Elle a été acceptée par 63% des votants en 2016. Il ne s’agit pas d’une infrastructure d’agglomération, mais d’un projet qui permettrait de relier la Suisse occidentale à la France et à l’Italie en évitant que le trafic international n’encombre l’autoroute de contournement. Elle délesterait aussi le U lacustre. Genève est la seule grande agglomération suisse qui ne possède pas de contournement par l’est. Cela illustre le désavantage de la région lémanique par rapport à la région zurichoise.

Qu’entendez-vous par là?
Les cantons de Genève et de Vaud représentent 15% du PIB suisse et 16% des investissements jugés prioritaires par le rapport, alors qu’ils accusent un certain retard en matière d’infrastructures. Zurich représente 19% du PIB de la Suisse et 31% des investissements jugés prioritaires. Soit un tiers de plus que sa part de PIB, alors que le canton est déjà très bien doté.

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