Maurice Satineau
Publié vendredi 05 septembre 2025
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Du chef d’entreprise aux grandes institutions internationales en passant par le diplomate: analyser ou parler de la conjoncture économique nécessite un effort accru de lucidité. Dans ses commentaires publiés le 21 août, la Banque cantonale vaudoise voit un «niveau d’incertitudes toujours élevé et un très probable ralentissement de l’économie mondiale en 2026 liés aux droits de douane et aux tensions géopolitiques. À ce stade, il est très difficile d’évaluer les effets réels sur les entreprises suisses et vaudoises». Le Fonds monétaire international (FMI) annonce un millésime 2025 peu catastrophique. «Les achats avancés ont été plus importants que prévu, en anticipation de la hausse des tarifs douaniers», précisent les experts. Ils calculent 3% de croissance annuelle pour cette année. Les difficultés commerciales ne se feront vraiment sentir qu’en 2026, avec une contraction d’environ 0,6% des échanges mondiaux. En insistant sur une indispensable diplomatie économique, le FMI met toutefois en garde contre des mesures de court terme. Selon les spécialistes, «les politiques industrielles doivent être étroitement ciblées» afin d’éviter des coûts et autres distorsions.
Pas d’assurance
Les regards se tournent également vers les banques centrales, devant examiner scrupuleusement les conséquences sur le niveau des prix de la hausse des taxes frontalières d’un côté et de la baisse des exportations de l’autre. On pourrait supposer que la stabilité économique est là, mais à y regarder de plus près, elle n’est sûrement pas assurée pour l’avenir. Les autres leviers de politique économique fonctionnent mal aujourd’hui, parce que nous avons abusé de l’instrument budgétaire à travers les crises passées, souligne une source proche de la Banque centrale européenne. A côté de ces considérations très techniques, l’émotion et la perception des événements jouent un rôle important. Les acteurs économiques s’expriment sur l’actualité de façon plus ou moins pessimiste, avec des effets pesant sur l’ambiance générale et la conjoncture.Ces narratifs s’étendent comme des virus. Les entreprises tendent à adopter la narration de leurs pairs, expliquent les chercheurs Joel Flynn et Karthik Sastry (universités de Yale et de Princeton) dans une toute récente étude. Sans nier les réelles difficultés sur le terrain économique, ces attitudes contribuent à construire l’incertitude, un climat dans lequel même les chiffres de base deviendraient incertains.
Deux ambiances
A Washington, la Federal Reserve (Fed) a introduit la notion de vibesession dans ses analyses, c'est-à-dire une tonalité (vibe) du ressenti économique, par exemple par des conversations ou des sondages et des statistiques réellement calculées qui montrent une situation différente, le tout étant véhiculé et amplifié par les médias, sociaux et autres. La Fed scrute l’écart entre ces deux séries de données. Les règles changent, les repères disparaissent, les événements ont un caractère imprévisible, les données subjectives occupent une place plus grande, ce qui ne facilite pas la mise en place des politiques économiques.
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