Les agriculteurs genevois s’engagent pour capturer le CO2

améliorer la qualité des sols cultivés, les adapter au changement climatique et séquestrer du carbone organique.
améliorer la qualité des sols cultivés, les adapter au changement climatique et séquestrer du carbone organique.
Flavia Giovannelli
Publié vendredi 24 mai 2024
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#Résulterre La Confédération et le canton vont soutenir les paysans qui travaillent sur la qualité des sols. Un projet où tout le monde est gagnant.

A l’abri sous l’auvent de la salle polyvalente d’Aire-la-Ville, des agriculteurs genevois, accompagnés par les autorités cantonales et fédérales impliquées, ont présenté une démonstration liée au très prometteur projet Résulterre.

Sur une table, trois échantillons de terre, en apparence très similaires, sont exposés. En les manipulant et en y versant de l’eau, Pascal Boivin a clairement montré les différences de leur composition: «Voyez cette première motte, aérée et granuleuse comme de la semoule de couscous. Elle représente une parcelle de sol qui n’a pas été affectée par des modes d’agriculture invasifs», explique celui qui est professeur dans les filières Agronomie et Architecture du paysage à l’HEPIA. Cet expert en qualité de substrats verse alors de l’eau sur le second échantillon, dont la matière se transforme en boue, lourde et pourtant vide de toute matière organique. Elle est typique des terres labourées de manière conventionnelle. Ce type de terre, appauvrie, ne joue plus son rôle essentiel dans les cycles naturels, un problème qui concerne près de 80% des terres agricoles genevoises. Heureusement, cette situation n’est pas irréversible. Le troisième échantillon, représentant un sol du projet Résulterre, montre une résilience qui s’améliore avec le temps. Il résulte du travail de quelques agriculteurs du canton, mené depuis une quinzaine d’années.

Les résultats sont probants. Cette initiative a convaincu le canton de lancer une opération à plus large échelle, qui a trouvé le soutien fédéral dans le cadre de la politique énergétique. L’idée maîtresse consiste à séquestrer quinze mille tonnes de CO2 par an d'ici à 2030, un objectif qui pourra être atteint en encourageant des pratiques agricoles propres à améliorer la qualité des sols. Le coût total du projet est estimé à près de six millions de francs, dont la Confédération assure le 80% et le canton le solde. «On reproche toujours à notre secteur d’être gourmand en émissions de CO2. Or, nous savons désormais qu’il est possible de capturer le dioxyde de carbone dans les sols tout en améliorant la qualité de ceux-ci. Cela crée un cercle vertueux qui permet à l’ensemble du canton de mieux respirer, tout en conservant notre mission première: nourrir sainement la population», explique Patricia Bidaux, présidente d’Agrigenève.

Le caractère novateur du projet réside dans son approche de rémunération aux résultats, selon un barème basé sur trois paliers (nul, moyen, optimum). À ce jour, une quarantaine d'exploitations participent volontairement à Résulterre, ce qui représente près de deux mille hectares. Même si Genève est souvent perçu comme un canton urbain, les surfaces agricoles couvrent près de 40% du territoire, offrant un potentiel d’amélioration climatique significatif.

Pour assurer un suivi efficace, des mesures clé seront suivies, telles que l'évolution de la matière organique du sol ou l'usage des engrais de ferme.

Jamais de sol nu

Dans un canton où les professions agricoles (maraîchage, viticulture, élevage, culture de céréales, horticulture, etc.) sont largement représentées, les méthodes de Résulterre varient d’une exploitation à l’autre. Cependant, éviter de laisser le sol nu est le dénominateur commun. Les terres peuvent être recouvertes de cultures de couverture comme le trèfle ou la luzerne, de matériaux organiques comme la paille ou les feuilles mortes ou être bâchées. Les rotations de cultures, changeant au fil des saisons sur une même parcelle, ou les semis directs, qui minimisent ou éliminent le labour, permettent également le développement de matière organique et de freiner l’érosion des sols. Ce phénomène, amplifié par les pratiques agricoles qui ont dominé depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, contribuent à la pollution des rivières et a des conséquences environnementales majeures.

A l’aube de cette nouvelle approche, les autorités et les paysans sont convaincus de pouvoir changer la donne. Cependant, le processus est un apprentissage, avec des risques d’erreurs. Des ateliers pratiques favorisant le partage d’expériences accompagneront les acteurs pour réévaluer et ajuster si besoin la mise en œuvre de Résulterre. Le projet, pilote à l’échelle suisse, sera encadré par un comité administratif, technique et scientifique comprenant des partenaires de la vulgarisation agricole, de la recherche scientifique et de la gestion d'entreprise. Le premier bilan formel est prévu dans huit ans.

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