Maladie psychique: ce qu'un employeur peut faire

Les arrêts de travail pour raisons psychiques sont souvent longs.
Les arrêts de travail pour raisons psychiques sont souvent longs.
Pierre Cormon
Publié lundi 20 janvier 2025
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#Ressources humaines La prévention et la gestion des absences permettent de limiter les absences pour causes psychiques et leur durée.

Un employeur, quelle que soit sa taille, peut adopter des mesures simples, qui peuvent améliorer sensiblement la situation. «Nous prônons une approche systémique, qui englobe les troubles psychiques dans la protection de la santé, plutôt que d’attaquer chaque problème isolément», explique Christian Wyssmüller, directeur de Fair 4 Safety (F4S), une société de santé et sécurité au travail créée par la FER Genève. Cette approche peut être définie dans le cadre de la solution MSST1. «Les entreprises ayant une vraie culture de la prévention ont généralement des taux d’absence inférieurs», ajoute Christian Wyssmüller.

En prévention

Les maladies psychiques sont souvent multifactorielles. «Une personne serait en mesure de faire face à des problèmes sur un seul front, privé ou professionnel, mais elle les cumule et n’a plus assez de ressources pour y faire face», résume Céline Rey, case manager au Groupe Mutuel. Les problèmes liés au travail font souvent partie de l’équation. «Ce peut être le stress, le mobbing, la monotonie des tâches, les atteintes à l’intégrité personnelle, etc.», précise Christian Wyssmüller.

  • Identifier les risques
    «Les risques peuvent être identifiés de plusieurs manières, suivant la taille de l’entreprise: observation, questionnaire, procédure Personne de Confiance en Entreprise, etc.», remarque Christian Wyssmüller. Cette dernière procédure, notamment, permet au travailleur de s’exprimer en toute confidentialité. Dans bien des cas, ce contact permet de régler la situation. Instaurer une culture ouverte, participative, dans laquelle les problèmes sont mis sur la table plutôt que sous le tapis, est un excellent début.
     
  • Former les collaborateurs Des formations enseignent à prodiguer les premiers secours aux personnes en détresse psychique: les cours ENSA. «Nous avons d'abord commencé par les proposer à nos cadres, mais nous nous sommes rapidement rendu compte qu'ils ne sont pas toujours les mieux placés pour identifier à temps les problèmes», explique Frédéric Bracher, également responsable de la partie opérationnelle des Ressources Humaines chez Swisscom. «Désormais, nous les offrons à tous les collaborateurs. Cette méthode est adaptée à tous les types d'entreprises, y compris les plus petites.»
     
  • Être attentif aux signes avant-coureurs Plusieurs signes peuvent indiquer qu’un collaborateur est en situation de détresse psychique: des absences, des variations d’humeur, des oublis, l’irritabilité, une baisse des performances… Ils ne doivent pas être pris à la légère. Si l’on soupçonne un problème, mieux vaut en discuter. L’entretien doit être soigneusement préparé – l’Office AI du canton de Vaud a publié une brochure à ce sujet2. Sur la base de cet entretien, on peut adopter des mesures, comme adapter le cahier des charges, changer la personne d’équipe, etc. Il est également très important de ne pas laisser les conflits s’enliser: plus ils durent, plus ils risquent de s’envenimer.
     

Quand une absence est déclarée

L’employeur a tout intérêt à disposer d’une politique claire de gestion des absences, qui indique ce qui doit être fait, quand et par qui.
 
  • Maintenir le contact Une politique de gestion des absences commence généralement par le maintien du contact. «Il s’agit de définir qui appelle le collaborateur, après combien de temps, comment il aborde la discussion, quelle suite il lui donne, etc.», détaille Carole Nielsen. Il ne s’agit pas de mettre la pression sur l’absent, mais de lui faire sentir qu’il est important et qu’on se soucie de lui. «L’idéal est que cette responsabilité incombe au supérieur hiérarchique, plutôt qu’aux RH», estime Frédéric Bracher. «Il s'agit de poser des questions simples et bienveillantes, telles que: "Comment vas-tu? Nous avons besoin de toi, quand penses-tu pouvoir revenir ?"»
     
  • Ne pas se fier aux apparences Les maladies psychiques peuvent être invisibles. «On entend parfois des employeurs dire: untel est en arrêt-maladie, mais je l’ai vu au bord du lac!», raconte Mélanie Dupont, gestionnaires de sinistres au Groupe Mutuel. «Or, si une maladie psychique peut limiter la capacité de travail, elle n’empêche pas forcément de sortir. Cela fait même souvent partie du processus de guérison.»
     
  • Demander un deuxième avis Si l’absence se prolonge, l’assurance peut demander un second avis médical d’un expert indépendant. «Cela fait parfois peur à l’assuré, alors que cela peut lui être bénéfique», estime Mélanie Dupont. «Le médecin-conseil peut par exemple constater que le traitement n’est pas adapté, ou qu’étant donné la nature de l’affection, il faut laisser la personne tranquille pendant quelques mois.»
    Il se peut également que le médecin-conseil de l’assureur arrive à la conclusion que le versement des indemnités journalières ne se justifie plus. Si le travailleur ne reprend pas son poste, l’employeur n’est alors, en principe, plus tenu de lui verser son salaire», précise Mélanie Dupont.
     
  • Collaborer Tous les acteurs ont intérêt à trouver une solution, et pourtant, ils ne se parlent pas toujours. «Les médecins refusent très souvent de parler directement avec l’employeur, invoquant le secret médical», regrette Frédéric Bracher. «Pourtant, ce qui nous intéresse, ce n’est pas le diagnostic, mais plutôt de savoir quelles tâches l’employé est encore en mesure d’accomplir, celles qu’il ne peut plus réaliser, et à quel moment il pourrait reprendre une activité.»
    Le case management a été pensé pour surmonter ces barrières. Il consiste à réunir tous les intervenants, souvent à l’initiative de l’assurance indemnités journalières. «Nous commençons par contacter la personne, car la démarche doit être volontaire», précise Céline Rey. «Puis on identifie ce qui empêche la reprise du travail et on cherche des solutions avec l’ensemble du réseau: employeur, médecin traitant, assurance-invalidité, etc.»
     
  • Déterminer les tâches que la personne peut encore effectuer Compasso a mis en place une procédure visant à encourager une reprise, même partielle, des activités: le Profil d’intégration axé sur les ressources (PIR), qui sera prochainement renommé Profil reWork. L’employeur décrit dans un document les exigences du poste du collaborateur, que ce soit au niveau physique, mental ou autre. Le collaborateur apporte le document au médecin, qui indique dans quelle mesure il est capable de remplir les unes et les autres. Cela peut permettre d’aménager le poste de manière à ce que le travailleur reprenne au moins une activité partielle, plutôt que de rester dans une logique binaire (en arrêt à 100% ou reprise complète). Cette tâche n’étant pas prise en charge par l’assurance-maladie, l’employeur verse cent francs au médecin. Plutôt utilisée par des grandes entreprises, la procédure est en train d’être révisée pour être plus facile d’usage pour les petites.
     
  • Solliciter l’AI si nécessaire L’AI peut aider un retour partiel ou total en emploi de personnes affectées psychiquement: mesures avec reprise progressive de l’activité ou coaching de retour en emploi. Dans certaines situations, elle peut soutenir financièrement l’employeur pendant la phase de réadaptation. «Il est important de la solliciter assez tôt», remarque Catherine Foglietta. «L’ouverture et l’instruction d’une demande prennent du temp et l'’employabilité d’une personne diminue de 50% après six mois d’arrêt.»
     
  • Résilier le contrat si le retour est impossible Si le retour en emploi n’est pas possible, l’employeur peut licencier le collaborateur, après un délai qui varie selon les cas. Si l’employé est au bénéfice d’un certificat dit «à géométrie variable» (l’employé ne peut plus travailler à son poste, mais peut travailler à un autre poste), il peut en principe être licencié moyennant les délais habituels. Si ce n’est pas le cas, il ne peut être licencié qu’à l’expiration du délai de protection (trente jours au cours de la première année de service, nonante jours de la deuxième à la cinquième, cent quatre-vingts jours à partir de la sixième).
     
  • Accompagner et suivre le retour Le retour du collaborateur doit donner lieu à un entretien, où l’on s’assure que les mesures pouvant favoriser la reprise ont été prises. Il est essentiel de le mener dans un esprit bienveillant, pour que le collaborateur ne se sente pas stigmatisé. Il sera suivi d’autres entretiens, le cas échéant informels, pour s’assurer que tout se passe comme prévu. (1) La directive MSST (directive relative à l’appel à des médecins et autres spécialistes de la sécurité au travail) est obligatoire pour toutes les entreprises employant au moins cinq personnes. Elle leur impose de mettre en place un système de sécurité interne. Des solutions-type sont proposées par des associations de branches ou des sociétés telles que F4S, qui dispose d’une solution MSST interentreprise certifiée. (2) Santé mentale en entreprise, Comment aborder la question? Téléchargeable sur le site de l’Office AI du canton de Vaud.
1 La directive MSST (directive relative à l’appel à des médecins et autres spécialistes de la sécurité au travail) est obligatoire pour toutes les entreprises employant au moins cinq personnes. Elle leur impose de mettre en place un système de sécurité interne. Des solutions type sont proposées par des associations de branches ou des sociétés telles que F4S, qui dispose d’une solution MSST interentreprise certifiée.

2 Santé mentale en entreprise, Comment aborder la question? Téléchargeable sur le site de l’Office AI du canton de Vaud.
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