Manque de bras et de cerveaux dans les emplois verts

Demain, près de la moitié des emplois concernera la transition énergétique, selon les experts de l’Organisation internationale du travail.
Demain, près de la moitié des emplois concernera la transition énergétique, selon les experts de l’Organisation internationale du travail. Swisssolar
Flavia Giovannelli
Publié jeudi 29 février 2024
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#Transition énergétique Le marché ne trouve pas en nombre suffisant de main-d’œuvre ayant les compétences adéquates. Les jeunes ont un rôle clé à jouer.

Demain, près de la moitié des emplois concernera la transition énergétique, selon les experts de l’Organisation internationale du travail. La Suisse n’est donc pas seule à devoir relever un défi impossible: trouver suffisamment de personnes qualifiées et prêtes à s’engager dans la transition énergétique. Au-delà de la volonté affichée, de grandes décisions de principe et des investissements matériels, rien ne pourra être fait si le changement n’infuse pas auprès des nouvelles générations. Non seulement il leur appartiendra de mettre en place les nouvelles infrastructures physiques répondant aux critères environnementaux, mais également de rénover les anciennes. Le constat est clair: il n’y a pas assez de personnel qualifié et ce n’est pas près de changer.

Quels domaines sont-ils concernés?

Le spectre des domaines concernés est large. La transition énergétique nécessite des compétences spécifiques dans les énergies renouvelables (solaire, hydroélectricité, éolien), l’efficacité énergétique, la gestion des réseaux électriques intelligents (smart grids), le stockage d’énergie. La gestion des déchets au sens large et les métiers de l’économie circulaire doivent également être mis en avant. Il s’agit le plus souvent de professions de terrain, mais la recherche et le développement sont aussi concernés. L’innovation est en effet un facteur essentiel si la Suisse veut atteindre ses objectifs stratégiques en matière de durabilité.

Attractivité des emplois verts

Il faut savoir rendre la mission et les conditions générales de travail, parmi lesquelles le salaire joue évidemment un rôle clé, attrayants. Il faut aussi que le problème soit empoigné par les pouvoirs publics, appelés à prendre des mesures incitatives et à accélérer les procédures au sens large. C’est sans doute par ce biais que le plus grand nombre d’efforts est requis. En Suisse, le système est lent à s’adapter. Or, il faut que les programmes de formation prennent en compte les attentes du marché, afin que les jeunes qui sortent des écoles ou qui font une formation duale soient employables. Il faut aussi stimuler les possibilités de reconversion professionnelle.

Collaboration entre toutes les parties

Enfin, pour mettre en place ce véritable changement de société, il est capital d’inclure toutes les parties. Cela commence bien évidemment par une collaboration renforcée entre les secteurs public et privé, les entreprises, les hautes écoles et les particuliers.

L’un des principaux problèmes consiste à chiffrer les besoins. Or, il est impossible d’évaluer le manque de jeunes se dirigeant vers les métiers de la transition énergétique. L’Office fédéral de la statistique indique toutefois que deux cent cinquante mille jeunes arrivent sur le marché du travail chaque année. La formation délivrée coûte près de treize milliards de francs.


Le point de vue des recruteurs

La conjonction entre la guerre des talents et l’impératif d’adaptation à l’urgence climatique produit des répercussions tangibles en Suisse romande. «Depuis environ un an, nous observons une nette augmentation de la demande pour des postes liés à la transition énergétique, surtout dans le secteur du bâtiment et de la construction», explique Ilan Dousseron, expert spécialisé dans le secteur Construction/Energie chez Michael Page, une agence de placement et de recrutement. Cette tendance s’est manifestée au point que le cabinet a dû renforcer ses effectifs pour répondre à ces nouveaux besoins. Il constate que les candidats disponibles sur le marché ne possèdent pas toujours les compétences recherchées. «Face à ce problème, deux options s’offrent à nous: recruter à l’étranger ou convaincre les parties contractantes de se mettre d’accord sur la mise en place d’une formation complémentaire, à l’interne ou via des prestataires externes. Les installateurs-électriciens peuvent par exemple se mettre à jour à raison d’une année de formation à la fois théorique et pratique. Cette solution est gagnante pour tout le monde», ajoute Joy Usubelli, senior manager dans le secteur Immobilier et Construction de l’agence. 
Si la situation actuelle pouvait être anticipée et suscite régulièrement des débats au sein des diverses associations du secteur, il n’existe pas de solution toute faite. «Nous abordons un moment charnière et un grand nombre d’acteurs de la transition énergétique voient le nombre des recrutements s’accroître », reprend Ilan Dousseron. De nouveaux métiers se profilent déjà comme particulièrement recherchés, tels que celui d’expert en efficacité énergétique CECB (comme certificat énergétique cantonal des bâtiments; identique pour toute la Suisse, il évalue la qualité de l’enveloppe et le bilan énergétique global d’un bâtiment, ainsi que ses émissions directes de CO2; le CECB Plus ajoute à cette évaluation un rapport de conseil en vue d’une rénovation énergétique). Avec les nouvelles normes en vigueur, ces évaluations sont devenues incontournables (mais en principe facultatives, notamment à Genève) en prévision d’une vente. 
Quant aux effets sur la rémunération, les professionnels du recrutement estiment que l’adaptation des grilles salariales à la demande doit rester subtile. En effet, vouloir surenchérir pour attirer le personnel recherché pourrait finalement entraîner une surchauffe qui pénaliserait l’ensemble des employeurs concernés. 

 

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