Peu de gens ont conscience de l’énorme impact de l’industrie textile sur l’environnement.
Pierre Cormon
Publié jeudi 22 mai 2025
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#Economie circulaire
Les textiles vendus dans l’Union européenne devront être conformes aux principes du développement durable dès 2030. Cette législation se répercutera en Suisse.
Si l’on vous demande lesquels, parmi les produits que vous utilisez au quotidien, ont le plus lourd impact environnemental, vous mentionnerez peut-être votre smartphone, votre voiture ou l’avocat que vous n’avez pas pu vous empêcher d’acheter, bien qu’il soit venu du Pérou par avion. Vous ne pensez pas forcément à vos vêtements. Et pourtant, l’industrie textile est la source de nombreux dommages environnementaux. Tant la branche que l’Union européenne et la Confédération veulent les minimiser.
L’impact environnemental de l’industrie textile est multiple. Plus de deux mille produits chimiques peuvent être utilisés pour la teinture. Ils constituent l’une des principales causes de pollution des eaux au niveau mondial. La fabrication et le transport des textiles est également l’une des plus grandes sources d’émissions de CO2.
La lessive des vêtements en polyester libère des particules de microplastique qui se retrouvent dans les eaux. Des dizaines de millions de tonnes de textiles usagés sont mis chaque année en décharge, dans des conditions pas toujours adéquates, ce qui peut polluer les sols et les eaux. Bref, la situation actuelle n’est pas satisfaisante. Une partie de l’industrie s’efforce d’adopter des modes de production durables. Cela passe par l’écoconception: utilisation de fibres produites de manière écologique et équitable, de pigments naturels, promotion du recyclage, etc. Balsiger Textil, à Langenthal, a par exemple lancé une ligne de vêtements ne contenant aucune substance nocive pour l’environnement et produits dans des conditions socialement équitables.
Des partenaires ont pour leur part testé un service de récupération et de valorisation des vêtements professionnels usagés, dans la région lyonnaise.
Fast fashion sur la sellette
D’autres acteurs continuent de miser sur la fast fashion, particulièrement décriée du point de vue environnemental. Une partie des vêtements vendus par correspondance et retournés sont également détruits, quoique neufs.
Cette situation a poussé le parlement européen à adopter au début 2023 une stratégie pour des textiles durables et circulaires. Elle stipule que seuls des vêtements conformes aux principes de l’écoconception, réparables et recyclables, pourront être mis en vente à partir de 2030. La fast fashion devra s’adapter ou disparaître. Quant à la destruction de vêtements neufs, elle sera interdite au terme d’une période transitoire. Les deux cent cinquante entreprises de l’industrie suisse du textile sont concernées au premier chef. «Les textiles suisses vendus dans l’Union européenne devront être conformes à la nouvelle législation», remarque Nina Bachmann, en charge de la durabilité et de la technologie auprès de l’association faîtière Swiss Textiles. «Comme il serait trop fastidieux d’appliquer des règles différentes pour les produits vendus dans et hors Union européenne, les fabricants suisses appliqueront vraisemblablement la réglementation européenne à l’ensemble de leur production.» Une approche qu’ils ont déjà adoptée pour les étiquettes. La France exige qu’elles fournissent des indications très détaillées. Plutôt que d’appliquer des règles différentes selon les marchés, les fabricants préfèrent soumettre l’ensemble de leur production aux règles françaises.
Le détail de la réglementation n’est pas encore connu, d’autant plus que les instances européennes pourraient décider de reports ou d’adaptations, comme elles l’ont fait récemment à propos du reporting environnemental. Une incertitude qui pèse sur le secteur.
Quoi qu’il en soit, un gros effort d’adaptation sera nécessaire. Les matières premières durables ne sont pas toujours disponibles dans les quantités nécessaires. Trier les textiles usagés à la main est coûteux et le tri automatique n’est pas encore pleinement au point. Le recyclage se heurte à de nombreuses difficultés techniques, par exemple lorsque différentes fibres sont mélangées. Les produits qui en sont issus peuvent avoir un coût élevé.
Les textiles importés en Suisse ne seront pas tenus de respecter la législation européenne. «Nous pensons cependant qu’elle deviendra la norme», remarque Nina Bachmann. «Le marché s’habituera à disposer de toutes les informations sur les produits.»
La Suisse suit son propre chemin
La Suisse réfléchit aussi à la manière de minimiser l’impact environnemental des textiles. Environ 40% des vêtements qui y sont vendus finissent à la poubelle. Les autres sont déposés dans les bennes de collecte. Ce système, financé par le produit de leur revente, est critiqué. Une partie des textiles sort d’Europe et voyage sur de longues distances. On perd généralement leur trace. Certains, en trop mauvais état pour être valorisés, finissent dans des décharges à ciel ouvert, a constaté l’émission Mise au point de la RTS en plaçant des puces sur des habits. Exporter de vieux vêtements pourrait causer plus de dégâts que de les incinérer en Europe, a conclu l'Agence européenne pour l'environnement (AEE). Des redevances anticipées permettant de financer le recyclage ou l’élimination peuvent être introduites dans les branches où la Confédération le juge nécessaire. Elle étudie la possibilité d’appliquer cette mesure dans l’industrie textile. L’adoption d’une législation aussi sévère que celle de l’Union européenne n’est en revanche pas à l’agenda. Swiss Textiles est favorable à l’instauration d’une redevance obligatoire, fixée et administrée par la branche plutôt que par l’administration. Elle pourrait être utilisée pour mettre en place une réelle économie circulaire. Cela suppose la mise en place d’une chaîne de valeur complète. Plusieurs acteurs se sont réunis pour la créer au sein de l’association Swiss Fabric Loop. C’est notamment le cas de Mammut, de Calida, de PKZ et de Swiss Textiles. Un composant important est en projet: une installation de tri automatisée, qui devrait être construite en Suisse orientale.
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