«Embrasser les enjeux de l’IA dans leur globalité»
Le Swiss Data Science Center à Lausanne.
Flavia Giovannelli
Publié vendredi 17 octobre 2025
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#IA
Un pôle d'excellence en science des données et intelligence artificielle.
Fondé en 2017 d’une initiative conjointe de l’EPFL et de l’EPFZ, le Swiss Data Science Center (SDSC) se présente comme le pôle d’excellence national en matière de science des données et d’intelligence artificielle. Près de cent vingt personnes y travaillent, dont une trentaine sous la houlette de Silvia Quarteroni. Responsable de l’unité innovation du SDSC, cette experte en intelligence artificielle œuvre, avec son équipe, à générer un impact tangible sur l’économie et la société.
Que faites-vous au SDSC?
L’équipe innovation du SDSC a pour mission de soutenir des projets impliquant aussi bien l’industrie privée que le secteur public ou les organisations non gouvernementales. La santé, l’énergie et l’environnement constituent trois axes forts autour desquels nous construisons nos collaborations. Nous voyons arriver de plus en plus de PME qui ont besoin de notre soutien pour identifier les meilleurs choix stratégiques. Nous proposons également des formations leur permettant de comprendre les bases de la science des données, de se repérer dans cet univers technique et de monter progressivement en compétence. En somme, nous essayons de rendre l’IA accessible, utile et durable pour l’économie et la société en Suisse. C’est une expertise qui s’est construite au fil du temps.
Votre approche répond-elle à des exigences précises?
Oui, il faut que la composante d’innovation dans les projets qui nous sont soumis soit forte, que ce soit dans l’industrie, le secteur public ou avec les organisations sans but lucratif. Pour ce qui est des PME et des start-up, j’ai le plaisir de participer au processus de sélection visant à accompagner les entrepreneurs dans leur approche de solutions d’IA, notamment à travers différents programmes de collaboration entre le SDSC et les cantons. Dans le canton de Vaud, par exemple, ce programme se traduit par un appel à projets annuel à l’issue duquel des entreprises sont accompagnées par l’État et le SDSC pour mener à bien un projet IA. Des programmes similaires sont en place avec Innosuisse, dans lesquels je prends part en tant que membre du conseil de l’innovation. Dans le cas des PME, il s’agit de privilégier non pas la dernière technologie venant de sortir, mais l’outil qui répond le mieux à leurs exigences métier.
Quelles sont les demandes des entreprises?
L’une des demandes fréquentes consiste à mieux valoriser les compétences et les ressources internes. Par exemple, améliorer les chatbots utilisés dans la relation client. À la fois dans les candidatures Innosuisse et dans les collaborations SDSC, nous voyons passer de nombreux projets liés à la production industrielle et à la logistique pour lesquels des solutions d’IA permettraient de résoudre des problèmes complexes. Cela peut impliquer des outils fondés sur la vision par ordinateur ou les grands modèles de langage, mais aussi de l’IA plus classique. Nous recevons aussi des demandes d’entreprises actives dans le hardware, notamment dans la conception de circuits électroniques. Le test de ces circuits représente souvent une étape longue et fastidieuse lorsqu’elle est réalisée manuellement. L’intelligence artificielle permet d’automatiser une partie du processus, d’identifier plus rapidement les défauts et d’optimiser les cycles de développement.
Il n’y a donc pas que l’IA générative, qui occupe une large place dans le paysage médiatique?
L’IA générative est l’une des branches de l’IA qui apporte une valeur concrète à nos partenaires. Quoi qu’il en soit, l’intégration de l’IA dans les entreprises suisses est souvent au stade de proof of concept, autrement dit de démonstration expérimentale de faisabilité. Le vrai défi, c’est de faire passer ces applications à l’échelle industrielle. Entre un prototype prometteur et un outil fiable intégré à la production, il y a souvent un monde: celui de la robustesse, de la sécurité des données et de l’efficacité opérationnelle.
Avec la domination de l’IA, verra-t-on la disparition d’emplois?
ans tous les cas que nous accompagnons, l’IA ne génère pas moins d’emplois, au contraire. C’est un outil supplémentaire qui libère l’humain de tâches fastidieuses ou répétitives, souvent en les réalisant mieux. Au bout de la chaîne, il faut toujours un humain pour prendre la décision. Cela impliquera certes la disparition de certaines tâches, mais aussi l’émergence de nouveaux métiers, par exemple des spécialistes en gouvernance de l’IA chargés de veiller à l’usage éthique et responsable des algorithmes ou des ingénieurs en simulation, très demandés pour mieux gérer la maintenance prédictive.
Comment nous former à ces changements?
À mon avis, il reste nécessaire de se doter d’un bagage solide, un socle sur lequel bâtir des compétences plus futuristes. Les études en sciences ou en mathématiques conservent un rôle fondamental: elles entraînent à l’abstraction, à la logique et donc à l’adaptabilité. Enfin, il faudra apprendre à former les décideurs de demain, cultiver leur curiosité, leur capacité d’entraînement et leur goût du risque. Les managers devront aussi savoir accompagner le facteur humain, qui est au cœur de toute transformation technologique, en instaurant un climat de confiance qui donne envie d’expérimenter plutôt que de se protéger.
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