«Cette réforme est incohérente et bien trop coûteuse»

Une mesure qui ruinera les efforts financiers récemment consentis.
Une mesure qui ruinera les efforts financiers récemment consentis.
Flavia Giovannelli
Publié jeudi 15 février 2024
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#AVS Interview de Christelle Schultz, directrice général adjointe FER Genève.

Directrice générale adjointe à la FER Genève, en charge des assurances sociales, ancienne directrice de la FER CIAM, sa caisse de premier pilier, Christelle Schultz connaît très bien le système de prévoyance suisse.

Pourquoi vous opposez-vous à l’initiative pour une treizième rente AVS?

Cette initiative se trompe de cible. Je ne mets pas en question la générosité de l’intention, qui vise à garantir une vie décente aux retraités. Or, la mesure proposée ne profitera pas seulement à ceux qui sont dans la précarité: c’est une mesure à large spectre qui concernera l’ensemble des retraités, y compris ceux qui n’en ont pas besoin. Elle va à l’encontre de la nécessité de stabiliser les finances de notre système de prévoyance. De plus, le moment est mal choisi. Alors que l’âge de la retraite des femmes a récemment été augmenté à 65 ans, dans le cadre de la réforme AVS21, nous prenons le risque de ruiner cet effort financier, qui rapportera moins que ce que coûtera la treizième rente. Notre système social est cohérent, mais difficile à réformer. Il est dangereux de le mettre en péril avec une mesure mal définie et trop coûteuse.

Vous ne niez pas la précarité dans laquelle vivent de nombreux retraités?

Les retraités précaires qui résident en Suisse disposent d’une solution prévue pour eux, soit les prestations complémentaires. Ce système, qui existe depuis 1966, a fait ses preuves. Il a été réformé en 2021 pour mieux tenir compte de la situation individuelle de chaque retraité. Les prestations complémentaires concernent 12% des retraités.

L’existence de ces prestations complémentaires est-elle suffisamment connue?

Un effort soutenu de communication et d’accompagnement est nécessaire, car de nombreux bénéficiaires potentiels n’en font pas la demande, probablement par manque d’information ou par gêne. Pourtant, cet outil est essentiel pour aider les plus vulnérables et pour leur permettre de vivre dignement en Suisse. Je me réjouis de voir que cette campagne permet au moins d’aborder publiquement ces questions. J’espère que les débats ouvriront la voie à des réflexions plus spécifiques pour mieux venir en aide à cette population sans peser sur les nouvelles générations.

L’initiative traduit-elle correctement les perspectives que les seniors peuvent attendre en cas de oui?

En la présentant comme une treizième rente, les auteurs donnent l’illusion que tous les rentiers recevront l’équivalent d’un treizième salaire. Or, il s’agit uniquement des rentes AVS et non d’autres rentes, comme par exemple celle de l’assurance invalidité. Les auteurs de l’initiative ne se sont pas prononcés pour déterminer s’il s’agit d’une treizième rente versée en décembre, ou d’un douzième de rente versé mensuellement. Un supplément d’un douzième de la rente minimale (1225 francs en 2024), correspond à environ 102 francs par mois.

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