«Très peu de marge de manœuvre»

Il est indispensable de relancer les discussions avec l'Union européenne.
Il est indispensable de relancer les discussions avec l'Union européenne.
Pierre Cormon
Publié vendredi 18 mars 2022
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#Suisse-UE Le Conseil fédéral a proposé une nouvelle approche des relations entre la Suisse et l’Union européenne. L’avis de Blaise Matthey, directeur général de la FER Genève.

Après que le Conseil fédéral a décidé d’enterrer l’accord cadre négocié avec l’Union européenne, en mai 2021, on attendait qu’il propose de nouvelles pistes. C’est ce qu’il a fait le 25 février. Il veut mener des discussions exploratoires avec l’Union européenne en vue de conclure de nouveaux accords bilatéraux, avec une nouvelle approche. Les principaux points:

  • il n’y aura pas de nouvelle tentative de négocier un accord cadre couvrant de manière globale les questions telles que le règlement des différends. Ces questions devraient être traitées dans chaque accord bilatéral, de manière séparée;
  • la Suisse proposera de négocier de nouveaux accords, dans les domaines de l’électricité, de la sécurité des produits alimentaires, de la recherche, de la santé et de la formation;
  • une analyse des différences de réglementation entre la Suisse et l’UE, dans les domaines concernés par les accords bilatéraux, a été effectuée. Le Conseil fédéral propose de réduire ou d’éliminer ces différences dans les cas où cela est dans l’intérêt du pays. Cela permettra de mener les négociations dans une ambiance plus sereine, estime-t-il. Il mènera des discussions en ce sens avec les cantons, les partenaires sociaux et l’Union européenne;
  • la Suisse ne fixera plus de lignes rouges. «Nous voulons négocier en fonction de nos intérêts, pas à partir de positions prédéfinies», a expliqué Ignazio Cassis, président de la Confédération.

L’avis de Blaise Matthey, directeur général de la FER Genève.

Que vous inspire la nouvelle approche présentée par le Conseil fédéral?

Nous saluons le fait qu’il se propose de mener des discussions exploratoires avec l’Union européenne et qu’il essaie de s’assurer une base aussi solide que possible dans le pays, de manière à gagner un éventuel référendum. La méthode est intéressante; elle a le mérite d’exister et de relancer les discussions.

Le fait de changer d’approche ne va cependant pas nous empêcher de retomber sur les mêmes questions, comme par exemple le règlement des différends. Qu’on le traite de manière globale dans un accord cadre ou séparément dans chaque accord, je doute qu’on aboutisse à des solutions vraiment différentes.

Pensez-vous que cette approche ait tout de même des chances de succès?

Je ne sais pas si elle aboutira, mais il est indispensable de relancer la discussion. Nous avons très peu de marge de manœuvre, comme l’a montré l’étude que nous avons commandée à la professeure Astrid Epiney1. L’économie se heurte tous les jours à des obstacles liés au gel des relations avec l’Union européenne. Il est donc indispensable de tenter une nouvelle approche. De manière plus générale, il faudrait changer d’état d’esprit au sujet des relations avec l’UE. Le Liechtenstein est membre de l’Espace économique européen depuis vingt-sept ans et il se porte très bien.

Le Conseil fédéral veut aussi réduire les différences de réglementation entre la Suisse et l’UE. Une bonne idée?

Oui, nous l’avons d’ailleurs déjà fait dans les années 1990, après avoir refusé d’entrer dans l’Espace économique européen. Sur bien des points, les législations ne sont pas si éloignées et les différences n’ont pas toujours de sens. Dans certains cas, celle de l’Union européenne est même meilleure, comme en matière de drones. Réduire ces différences au minimum constituerait un premier pas.

La question est de savoir si nous obtiendrons la réciprocité. Comme la commission européenne ne veut plus actualiser l’accord sur la reconnaissance des normes, les certifications effectuées en Suisse pour des appareils relevant des technologies médicales ne sont plus reconnues dans l’Union européenne. Nous pouvons procéder à toutes les adaptations que nous voulons pour reconnaître les certifications européennes en Suisse, si l’Union européenne ne nous accorde pas la réciprocité, le problème subsistera pour les exportateurs. 

1Lire les conclusions de cette étude sur www.fer-ge.ch/web/fer-ge/politique-europeenne

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