Alcool et travail: un mauvais mélange

Comment l'employeur doit-il réagir face à l'addiction d'un employé?
Comment l'employeur doit-il réagir face à l'addiction d'un employé?
Steven Kakon
Publié lundi 24 juin 2024
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#Addiction La consommation d’alcool a des répercussions sur la performance et peut provoquer des accidents au travail. Comment l’employeur peut-il réagir?

En Suisse, environ 2% des salariés présentent une consommation problématique d’alcool. Cette donnée figure, parmi d’autres, dans le communiqué de la journée nationale sur les problèmes liés à l’alcool du 23 mai dernier.

«Quelque deux cent cinquante mille personnes sont dépendantes à l’alcool et une bonne partie d’entre elles est en emploi. Sans compter toutes les personnes qui ont une consommation problématique ponctuelle, qui peut également avoir des répercussions sur le travail», précise Markus Meury, porte-parole d’Addiction suisse, à l’origine de la campagne avec la Croix-bleue, Fachverband Sucht et le Groupement romand d’études des addictions. Si les causes sont multiples, le contexte professionnel peut mener à une augmentation de la consommation d’alcool. Outre les problèmes sur la santé que celle-ci peut engendrer, elle peut être responsable d’une augmentation de l’absentéisme au travail, de la dégradation des relations entre collègues ou d’accidents. De 15% à 25% des accidents du travail sont dus à la consommation d’alcool ou d’autres substances psychoactives; la perte de productivité chez les personnes ayant une consommation problématique se monte à environ 15%. «Même si les rapports dont sont issus ces chiffres datent de 1996, il n’y a pas de raison de penser que l’alcool cause moins de problèmes au travail qu’il y a quelques années», poursuit Markus Meury. Les coûts consécutifs aux pertes de productivité sont estimés à 2,1 milliards de francs par an.

Les métiers de l’hôtellerie et de la restauration, des transports, du bâtiment et de l’agriculture sont particulièrement à risque. Pourquoi? «Dans l’hôtellerie et la restauration, l’alcool est omniprésent, même lors des heures de travail. Dans des métiers pénibles comme dans le bâtiment ou l’agriculture, on s’offre souvent des apéritifs alcoolisés après le travail», répond Markus Meury.

C’est la Fédération genevoise pour la prévention alcool et cannabis (FEGPAC) qui coordonne la campagne de sensibilisation à Genève, ciblée sur des situations et lieux de vie. «Nous proposons aux gens de faire un quizz en ligne, intitulé Moi et l’alcool au travail. Nous lancerons prochainement une campagne sur les réseaux sociaux», informe son directeur Christian Wilhelm. L’objectif? «Inciter les gens à se questionner, à appréhender la manière dont ils se sentent et la manière dont l’entreprise gère le problème», explique-t-il. La FEGPAC propose d’obtenir une analyse personnalisée de sa consommation d’alcool en réalisant le test disponible sur le site internet meschoixalcool.ch

Rôle de l’employeur

La gestion des problème liés à l’alcool varie d’une entreprise à l’autre. Elles sont de plus en plus nombreuses à l’intégrer dans leur politique de gestion du personnel. Comment les employeurs doivent-il s’y prendre pour aborder le sujet avec un collaborateur dont la consommation d’alcool a des répercussions sur la performance? Pour Markus Meury, «il est important de ne pas poser de diagnostic, mais de parler de constats concernant la qualité de travail ou la fiabilité».

C’est si la performance de l’employé est affectée que celui-ci peut se voir approché par la hiérarchie. Comme le rappelle Addiction suisse sur son site internet, il est possible de licencier une personne si ses prestations professionnelles sont insuffisantes, mais pas parce qu’elle est alcoolodépendante.

Un comportement déplacé, voire dangereux, peut constituer un autre motif de licenciement. L’employeur pourrait être tenu de résilier le contrat de travail d’un collaborateur alcoolodépendant si celui-ci, malgré un ou plusieurs avertissements, ne modifie pas ses comportements et continue à mettre en danger sa santé et celle de ses collègues. De toute évidence, travailler en état d’ébriété n’est pas autorisé. «L'employeur qui laisse sciemment travailler une personne en état d'ébriété viole ses devoirs de protection de la santé. Ses responsabilités civile et pénale peuvent être engagées. Il encoure même un droit de recours exceptionnel de l’assurance accidents obligatoire ou une augmentation des primes», prévient Addiction suisse.

Tests de dépistage

Seuls un intérêt sécuritaire prépondérant et un consentement de l’employé peuvent justifier des tests de dépistage, qui vont à l’encontre de la protection de la personnalité, sauf en cas de soupçon de consommation de drogues ou d’alcool et avec l’accord des intéressés. Il ne suffit cependant pas qu’un test soit justifié pour être licite. Il doit en outre être le moins invasif possible et ne peut être réalisé que par des personnes issues du monde médical.

Si une entreprise souhaite faire des tests pour certaines fonctions à risque dans un but préventif, elle doit le spécifier dans une clause spécifique intégrée au contrat de travail.

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