#SA Augmenter le capital d’une société anonyme est long, cher et compliqué. Il faut simplifier la procédure, estiment deux avocats. La proposition suscite des réserves dans les milieux concernés.
Vous voulez accueillir de nouveaux investisseurs dans le capital de votre société anonyme? Mieux vaut disposer de quelques fonds et d’un minimum de patience. L’opération est en effet très formelle, sans que cela n’apporte de vraie valeur ajoutée, regrettent Jacques Iffland et Federico Trabaldo Togna, avocats au sein de l’étude Lenz & Staehelin. On aurait tout à gagner à simplifier le processus, soutiennent-ils.
Les règles de constitution du capital n’ont pas fondamentalement changé depuis l’adoption du Code des obligations, en 1911. Une entreprise voulant augmenter son capital par la voie ordinaire doit passer par une série d’étapes. «La procédure implique d’une part une décision de l’assemblée générale des actionnaires, d’autre part une décision du Conseil d’administration», explique Béatrice Ehlers, notaire à Lausanne et membre du comité de l’Association des notaires vaudois. La mener à bien requiert généralement l’intervention d’un avocat, d’un notaire, d’une banque, parfois d’un réviseur. «Dans les cas simples, il faut compter de quatre à six mille francs de frais incompressibles, honoraires d’avocats compris», estime Federico Trabaldo Togna. «Pour une start-up qui n’a pas encore de revenus, cela peut représenter une somme considérable.» Quant aux délais, ils se comptent en semaines, alors que d’autres pays, comme les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne, permettent de réaliser des augmentations de capital en vingt-quatre à quarante-huit heures de manière très simple. «Or, la Suisse est souvent en concurrence avec ces pays pour accueillir ou garder des entreprises de secteurs telles que les biotechnologies», remarque Jacques Iffland. «La décision de s’installer ici ou ailleurs repose sur plusieurs critères, mais la lourdeur du système suisse d’augmentation du capital constitue clairement un désavantage.»
Protection des créanciers
Pourquoi le droit suisse est-il si formel? «Parce qu’il est basé sur l’idée que le capital d’une société constitue une garantie pour ses créanciers», répond Jacques Iffland. Si elle devait se trouver de l’impossibilité de payer ses dettes, ils pourraient être dédommagés grâce au capital. Or, «cette garantie n’est que de la poudre aux yeux», écrivent Jürg Müller et Basil Amman, du think tank Avenir suisse, dans une étude consacrée aux Sàrl. «Elle donne une impression trompeuse de sécurité.» Le capital, en effet, n’est généralement pas bloqué, mais investi, et rien ne garantit qu’on pourra compter dessus pour payer des dettes. Raison pour laquelle les créanciers évaluent généralement la solvabilité des emprunteurs selon d’autres critères: ratios financiers, propriété intellectuelle, projets de développement, etc.
Décalage
Le droit se retrouve donc en décalage avec la réalité de l’économie, estiment les deux avocats. Les sociétés biotechnologiques, par exemple, se développent généralement en accueillant de nouveaux investisseurs dans leur capital à chaque étape de leur développement. La réglementation ralentit et complique inutilement l’opération, sans rien apporter, estiment Jacques Iffland et Federico Trabaldo Togna.
Les deux avocats plaident donc pour un allègement considérable des procédures, à l’image des règles prévalant pour les prêts convertibles (capital conditionnel). On désigne ainsi des prêts consentis par des créanciers à des entreprises, généralement en croissance, qui peuvent être convertis en capital quand et si le créancier le souhaite. Lorsque les créanciers exercent leur droit de conversion, le capital de l’entreprise a effectivement été augmenté, en échappant à la procédure ordinaire d’augmentation du capital. Seule une modification a posteriori des statuts est nécessaire. «Personne ne s’y est opposé, au motif que cela priverait les créanciers de garanties», souligne Jacques Iffland.
D’autres pistes
Si l’objectif de faciliter la vie des sociétés est largement partagée, les suggestions portent plutôt sur d’autres points: généraliser l’acceptation de la signature électronique, supprimer le droit de timbre perçu sur l’augmentation du capital, autoriser une start-up à avoir des fonds propres négatifs, faciliter la création des sociétés, etc. «La loi sur la numérisation des notaires, l'e-ID et ma motion Création d'entreprises par voie entièrement numérique devraient fortement simplifier le processus», estime Andri Silberschmidt. «J'espère qu'il sera ainsi possible de créer une entreprise en quarante-huit heures.» A Genève, les doléances portent également sur le Registre du commerce. «Il manque de moyens et est souvent débordé, notamment en fin d’année», regrette Miguel Payró. «La procédure est longue, on pinaille inutilement sur des détails, ce qui entraîne beaucoup d’allers et retours avec les avocats», renchérit Antonio Gambardella.
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