A force de répéter qu’il fallait rationnaliser notre consommation d’énergie et décarboner nos activités, le message est passé. On construit des bâtiments aux normes Minergie, on optimise sa consommation de chauffage, on privilégie les véhicules électriques.
Un grand effort d’efficience énergétique est indispensable: le dérèglement climatique nous fait courir un risque majeur. Nous ne prélevons cependant pas seulement de l’énergie dans l’environnement, mais aussi de la matière. Or, la transition énergétique et la numérisation en consomment des quantités pharamineuses, ce dont nous sommes rarement conscients. Une installation photovoltaïque comprend une vingtaine de métaux. Elle nécessite deux cents tonnes de matière par mégawatt de puissance, contre six tonnes pour une turbine à gaz. Construire un bâtiment neuf aux normes Minergie suppose d’excaver des tonnes de gravier pour fabriquer du béton, de creuser des tonnes de minerai pour en extraire des métaux. La fabrication des équipements numériques d’un Français moyen mobilise près d’une tonne de matière par an, et le total devrait croître avec l’internet des objets. Le flux de matière a des conséquences non négligeables, qui n’apparaissent pas dans les bilans énergétiques. Se féliciter que sa flotte de véhicules électriques ne dégage pas de CO2 masque les plus de quarante tonnes de minerai qu’il a fallu extraire pour obtenir les métaux de chaque batterie, et les dégâts environnementaux que cela a causé. Se réjouir qu’un bâtiment ait une faible consommation et qu’elle soit assurée par les nouvelles énergies renouvelables ne nous renseigne pas sur les quantités de minerai qu’il a fallu excaver pour fournir les métaux qu’il contient et les panneaux photovoltaïques qui l’alimentent.
Or, l’impact de notre consommation de matière ne fait que croître. Les gisements de matières premières les plus faciles à exploiter l’ont déjà été. L’industrie minière doit donc aller de plus en plus loin, de plus en plus profond, pour trouver des minerais de moins en moins concentrés. Les meilleures politiques ESG ne peuvent éviter que cet effort ait un impact sur des milieux naturels, dont certains étaient jusque-là préservés, et ne produise de plus en plus de déchets, qui peuvent causer de sérieux dégâts environnementaux. Nous ne devons donc pas seulement rationnaliser notre consommation d’énergie, mais notre consommation de matière. Dans les deux cas, nous devons privilégier la sobriété, sous peine d’engendrer autant de problèmes que nous en aurons résolus.
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