#Construction L’entreprise valaisanne Auprès de mon arbre construit sa première maison en bois, sans clou, ni colle, ni produits chimiques.
Lorsque les associés de la charpenterie Frossard, à Vollèges (VS), ont reçu la visite d’un couple de clients appenzellois, en 2017, ils ne se doutaient pas qu’elle les conduirait à créer une nouvelle entreprise, en collaboration avec des partenaires locaux. Leur histoire a été présentée par la fondation Aide suisse à la montagne, qui a soutenu financièrement le projet. Les deux clients voulaient construire en Valais une maison entièrement en bois, sans clous, ni colle, ni produits chimiques. Ils vivaient alors en Appenzell, dans un immeuble construit sur ce principe. Ils y ont invité les associés, qui ont été séduits.
Surprise
Ceux-ci ont donc rendu visite à l’inventeur de la technologie, à Gais (AE). «Nous pensions qu’il allait nous fournir les panneaux et que notre rôle serait simplement de monter la maison», raconte Nicolas Giroud. «Il nous a cependant fait comprendre que, pour respecter sa philosophie, le mieux serait de fabriquer ces éléments chez nous, en Valais. Il voyait en nous de potentiels partenaires romands, pouvant travailler sous licence.» Les associés ont passé quatre ans à étudier la faisabilité du projet, puis ont décidé de se lancer, en collaboration avec deux entreprises de la région, la scierie Alter & Deslarzes et l’entreprise d’exploitation forestière Sylvapro. Deux des mots clé du concept sont en effet l’intégration et la proximité. Auprès de mon arbre, la nouvelle société, a été créée par les trois entreprises. Elle se charge de couper et de transformer le bois localement, et l’assemble dans le bâtiment. Elle collabore également avec l’architecte dès la phase de conception.
Empilement de planches
«Il s’agit de fabriquer des parois par un simple empilement de planches de bois brut croisées», explique Nicolas Giroud. L’assemblage des planches se fait avec des chevilles en bois, qui tiennent un peu comme un bouchon de liège dans un goulot. Les parois de quarante-deux centimètres font à la fois office de structure porteuse et d’isolation. Avantage des chevilles sur les clous: «Le métal est un conducteur, et permet donc au froid et aux ondes électromagnétiques de traverser l’élément», répond Michel Frossard l’un des associés. Les chevilles de bois participent donc d’une meilleure isolation. TECHNIQUE DU MADRIER La construction en bois local n’a rien de nouveau; elle était même très répandue avant que d’autres manières de construire ne la remplacent. «C’était la technique du madrier», résume Nicolas Giroud. Si le concept est ancien, la technologie, elle, est nouvelle. Les éléments préfabriqués sont produits sur une ligne qui inclut une machine à commande numérique et le procédé est protégé par un brevet. Quatre sociétés l’appliquent en Suisse alémanique. Elles construisent des dizaines de bâtiments par année: maisons individuelles, mais aussi écoles, crèches, hôpitaux, bâtiments administratifs, etc. Auprès de mon arbre est la première entreprise romande à l’adopter.
Valoriser le bois local
Une villa nécessite environ trois cents mètres cubes de bois, prélevé dans les forêts alentour. Une partie aurait été coupée de toute façon, pour entretenir la forêt, sans forcément être valorisée. «En Valais, on n’exploite que 20% de la croissance annuelle des forêts», affirme Nicolas Giroud. Il y a donc de la réserve. Les associés sont intarissables sur les avantages des bâtiments pur bois, présentés comme sains, naturels, beaux, apaisants, conformes aux normes d’isolation thermique et de protection contre les incendies, permettant de stocker le CO2 contenu dans le bois pendant toute leur durée de vie.
Circuits courts
Le concept stimule également la création de valeur locale et les circuits courts, ce qui n’est pas toujours le cas lorsque l’on construit avec du bois suisse. «Une grande partie de celui-ci est exporté, transformé dans les pays voisins et réexporté en Suisse», explique Michel Frossard. Les coûts suisses rendent en effet difficile de concurrencer les transformateurs étrangers et de nombreuses scieries suisses ont fermé. Le concept d’Auprès de mon arbre aboutit d’ailleurs à un surcoût de 8% à 10% par rapport aux méthodes de construction traditionnelles. Pour ce prix-là, on a cependant la satisfaction de posséder un bâtiment dont l’énergie grise a été réduite au minimum, puisqu’on n’a pas transporté le bois sur de longues distances. Dans un contexte où les matériaux de construction connaissent une pénurie et une hausse vertigineuse des prix, on échappe également largement aux aléas des marchés internationaux. Auprès de mon arbre est en train de construire sa première maison. L’entreprise compte ensuite réaliser elle-même des bâtiments en Valais, voire plus loin, et nouer des partenariats avec des charpentiers pour offrir ce concept dans toute la Suisse romande.
En Suisse, la plus grande partie des entreprises est créée dans la plaine, et notamment dans les pôles économiques comme Zurich, Bâle et l’Arc lémanique. En proportion de la population, les habitants des régions de montagne créent cependant un peu plus d’entreprises, a constaté la fondation Aide suisse à la montagne en analysant les statistiques de l’Office fédéral de la statistique pour 2017. La mission de la fondation est de rendre les régions de montagne vivantes et dynamiques. Cela passe par l’aide aux agriculteurs – son créneau historique, depuis sa création en 1943 – mais aussi par le soutien aux entreprises d’autres secteurs et à la création d’entreprises. Elle intervient lorsqu’un projet serait prêt à voir le jour, mais qu’il manque de fonds propres. Ses experts bénévoles examinent le projet et, s’il est convaincant, la fondation effectue un don, qui permet d’augmenter les fonds propres. Parmi les entreprises bénéficiaires en 2021 figure par exemple Gagygnole. Cette distillerie artisanale et familiale de Souboz (Jura bernois) produit différents alcools à partir de plantes locales, en partie récoltées à la main, et de déchets de sa propre production. Quant à Nomady, elle est une sorte d’Airbnb des terrains mis à disposition par les propriétaires aux campeurs désireux d’échapper aux campings, contre rémunération. En 2021, Aide suisse à la montagne a soutenu huit cent trente-trois projets, pour un total de 29,3 millions de francs. Elle se finance grâce à des dons et vient de lancer sa nouvelle campagne de collecte.
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