Bruxelles part en guerre contre les déchets d'emballage
Barbara Speziali
Publié vendredi 20 janvier 2023
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#Commission européenne Un projet de règlement visant à réduire les déchets d’emballage de 15% d’ici à 2040 est à l’étude.
«On a tous fait cette expérience: commander quelque chose en ligne et le recevoir dans un carton bien trop grand, à moitié vide», explique le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, en présentant le 30 novembre 2022 un projet de règlement relatif aux emballages. Même si les Européens se sont mis au recyclage, les déchets d’emballage ont augmenté de 20% au cours des dix dernières années. Chaque Européen génère près de cent quatre-vingts kilos de déchets d’emballage par an. Si rien n’est fait, «l’UE connaîtra une augmentation supplémentaire de 19% des déchets d’emballage d’ici à 2030, et même de 46% pour les déchets d’emballage en plastique», avertit la Commission européenne. Il y a donc urgence.
Pour être plus efficace, la Commission propose de passer par un règlement, directement applicable dans les Etats membres, alors qu’habituellement elle procède par des directives, qui sont souvent transposées avec des retards dans les Etats. Et de fixer un objectif: réduire dans chaque pays la quantité de déchets d’emballage de 15% par habitant en 2040 par rapport à 2018 (5% d’ici à 2030 et 10% d’ici à 2040). «Cela devrait entraîner une réduction globale de 37% par rapport à un scénario de statu quo». Premier axe d’action, la Commission veut restreindre, voire interdire les emballages inutiles. C’est ainsi que l’espace vide dans un carton ne devra pas dépasser 40%. Tandis que les emballages à usage unique seront interdits: les gobelets en carton dans les cafés, les barquettes de fruits et légumes, les petites bouteilles de gel douche et de shampoing dans les hôtels, par exemple.
Réutilisables et recyclables
Deuxième axe, le développement des emballages réutilisables. Le secteur de l’Horeca (hôtellerie, restauration, cafés) est particulièrement ciblé. Les entreprises devront proposer leurs produits - les boissons, les repas à emporter ou les livraisons des commandes en ligne - dans des emballages réutilisables. D’ici à 2030, les Etats membres devront avoir mis en place des systèmes de consigne pour toutes les bouteilles en plastique et les canettes en aluminium. Seule exception: si un Etat peut prouver qu’il atteint un taux de collecte et de recyclage de 90% par un autre moyen, il peut s’affranchir de la règle. Des dérogations sont également prévues pour les emballages des médicaments. Dernier axe: le recyclage. Pour aider le citoyen européen à s’y retrouver, sur chaque emballage figurera une étiquette indiquant dans quelle poubelle il devra être jeté. Les mêmes symboles seront utilisés partout dans l’UE. Certains articles, comme les sachets de thé et les capsules de café, devront être compostables.
Dans son projet, la Commission européenne fait également le point sur l’utilisation des plastiques biosourcés, biodégradables et compostables et fixe un certain nombre de conditions afin que ces plastiques soient réellement recyclables.
Une nouvelle économie
«C’est une toute nouvelle économie, celle de la réutilisation, que nous souhaitons lancer», s’exclame Frans Timmermans. La Commission est consciente de l’effort demandé à l’industrie. L’industrie de l’emballage à usage unique devra investir dans une transition, mais l’impact global sur l’économie et la création d’emplois dans l’UE est positif, assure-t-on. Selon l’exécutif, cette nouvelle stratégie pourrait permettre de créer six cent mille emplois dans le secteur de la réutilisation d’ici à 2030, dont un grand nombre dans les PME locales. Enfin, ce plan permettra de réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant des emballages à quarante-trois millions de tonnes contre soixante-six millions si la législation n’était pas modifiée.
Négociations serrées
Cette chasse au gaspillage modifiera les habitudes quotidiennes. Le projet ambitieux de la Commission européenne suscite des réactions diverses. Tout en reconnaissant qu’il s’agit d’«un virage important», le Bureau européen de l’environnement regrette que les mesures aient été «revues à la baisse par rapport à un précédent projet». Pour l’Europen, l’Organisation européenne de l’emballage et de l’environnement, le projet est «inachevé», car, estime le syndicat, «la recyclabilité ou la réutilisation des emballages ne suffiront pas à elles seules si elles ne sont pas soutenues par un système capable de déclencher des investissements dans les infrastructures de tri et de recyclage». La proposition sera examinée par le Conseil et le Parlement européens. Nul doute, ce texte fera l’objet de négociations serrées.
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