Lors d’une consultation médicale, le médecin évalue si l’employé1 est capable de travailler ou non et détermine le taux de capacité de travail possible. L’évaluation de la capacité de travail constitue un exercice complexe et peut constituer un réel défi, puisqu’elle implique, notamment, de connaître les exigences du poste occupé par l’employé pour pouvoir les évaluer adéquatement2.
La loi ne donne aucune définition du certificat médical et ne traite pas du contenu de ce document. Ce dernier doit cependant être rédigé en toute liberté et objectivité. Il engage la responsabilité de son signataire, lequel est susceptible d’être condamné pénalement en cas de faux certificat ou de certificat de complaisance3. Il s’agit d’un document officiel établi par le médecin au plus près de sa conscience professionnelle et avec toute la diligence requise, lequel doit contenir le but visé (par exemple, la constatation par le médecin qu’au vu de l’état de santé de son patient, ce dernier est totalement ou partiellement incapable de travailler), la date et le nom du destinataire4. Le certificat médical étant soumis au secret médical, il ne doit mentionner que les données strictement nécessaires ou utiles pour l’employeur, notamment les coordonnées de l’employé, la date de début et de fin de l’incapacité de travail, le type (maladie ou accident) et le pourcentage de l’incapacité de travail, la date de l’établissement du certificat et le timbre et la signature du médecin5.
Nous allons examiner ci-après deux points liés à la rédaction du certificat de travail, susceptibles d’augmenter les litiges entre employés et employeurs, au vu des problèmes qu’ils soulèvent en pratique.
2. La télémédecine
Il est possible de nos jours d’obtenir un certificat médical par téléconsultation avec un médecin, via internet6.
Cette possibilité est très intéressante puisqu’elle procure notamment un gain de temps et d’argent. En raison de la complexité liée à la pose de diagnostic - et de l’évaluation de la capacité de travailler qui en découle -, elle interroge cependant quant à la force probante du certificat médical établi à distance. Dans ce contexte, Medgate, prestataire de services de télémédecine en Suisse, a élaboré des directives, lesquelles prévoient que seules des incapacités de travailler à 100% peuvent être constatées par téléconsultation, ce qui limite le risque d’erreurs. La FMH a d'autre part adapté récemment son Code de déontologie, prévoyant que seuls les médecins peuvent décider si un traitement par télémédecine est possible ou si une consultation sur place est nécessaire7.
Malgré ces nouvelles directives, qui émanent des professionnels de la santé, la délivrance de certificats médicaux par téléconsultation pourrait faire augmenter le nombre de contestations portées par les employeurs et/ou les assureurs en justice pour faux certificat ou certificat de complaisance. En effet, les risques d’erreurs liés à une évaluation à distance sont plus conséquents que lorsque le professionnel de la santé examine sont patient en présentiel et peuvent donc conduire les employeurs et/ou les assureurs à émettre des doutes sur la validité du certificat médical en initiant, par exemple, une contre-expertise.
Afin de limiter les risques de litiges, nous conseillons aux employeurs d’introduire dans le règlement du personnel une clause spécifique, afin soit 1) d’autoriser la possibilité de fournir un certificat médical par téléconsultation sous conditions, par exemple que le médecin soit autorisé à pratiquer en Suisse et que le certificat médical comporte un certain nombre d’indications, notamment le timbre du médecin et sa signature ou 2) d’interdire purement et simplement aux employés la production d’un certificat médical obtenu par téléconsultation.
3. L’obligation de télétravailler
prescrite par le médecin La prescription par le médecin d’une capacité de travail totale ou partielle conditionnée à la reprise du travail en télétravail exclusivement ou partiellement n’est pas prévue par la loi.
Or, la prescription médicale de télétravailler est problématique d’un point de vue juridique.
En effet, le télétravail n’est pas un droit de l’employé, mais une possibilité offerte contractuellement par l’employeur aux employés, à son entière discrétion, dans le cadre de l’exercice de professions qui s’y prêtent. Il n’est pas possible d’obliger l’employeur à procurer du travail à son employé à distance, à moins que cela ait été prévu contractuellement ou qu’une base légale ne l’y oblige, comme ce fut par exemple le cas pendant la pandémie de covid. Durant cette période, des circonstances extraordinaires – une pandémie – rendaient l’accomplissement du travail en présentiel difficile voire impossible, car dangereux en raison du risque de contagion. Il s’agissait ainsi de circonstances non inhérentes à la personne de l’employé et qui ne font pas partie du risque ordinaire de l’entreprise. C’est pour cette raison que l’obligation, pour l’employeur, d’organiser le télétravail des employés découlait de la législation covid et n’était pas conditionnée à la fourniture d’un certificat médical.
En pratique, la prescription médicale de télétravailler met non seulement l’employeur dans une situation délicate mais également l’employé. En effet, si le télétravail n’est pas possible et que l’employé ne revient pas travailler sur son lieu de travail habituel, il est parfois impossible, à la lecture du certificat médical, de déterminer si médicalement l’employé doit toujours être considéré comme étant incapable de travailler. S’il demeure incapable de travailler, il a alors peut-être encore droit à un salaire ou à des indemnités journalières de l’assureur perte de gain maladie. En revanche, si l’employé doit être considéré comme étant capable de travailler, il n’a plus de droit au salaire. Finalement, la prescription médicale de télétravailler est problématique sur le plan fiscal.
En effet, lorsque l’employé est domicilié en France et qu’il y télétravaille jusqu’à 40% de son temps de travail, il reste imposé en Suisse sur l’ensemble de son revenu. S’il télétravaille plus de 40% de son temps de travail en France, la portion de rémunération correspondant au télétravail est imposable en France et ce, dès le premier jour de télétravail. L’employeur ne saurait être obligé par le médecin d’organiser du télétravail, lors même que cela l’expose à des sanctions pénales, puisqu’en l’état de la législation en vigueur, la perception d’un impôt pour le compte d’un état étranger n’est pas autorisée8.
En conclusion, la prescription par le médecin d’une capacité de travail en télétravail exclusivement ou partiellement sans base légale s’éloigne à notre sens de l’évaluation médicale, à laquelle le médecin devrait se limiter. Par ce biais, il impose à l’employeur une obligation – c’est-à-dire une conséquence juridique reposant sur une base légale bancale – qui, si elle est exécutée, constitue une immixtion dans l’organisation du travail, prérogative exclusivement réservée à l’employeur.
1 Dans cet article, le genre masculin inclut le genre féminin, ainsi que tout autre genre
2 Bulletin des médecins suisses 2021; 102 (29-30): 952-955
3 Revue Médicale Suisse, 24.09.2014, p.1742; Art. 318 Code pénal suisse; Art. 34 Code de déontologie de la Fédération des médecins suisses (FMH)
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