#Marquage électricité Pourquoi avoir découplé les garanties d’origine de l’électricité physique? Essentiellement pour soutenir les énergies renouvelables.
Le système actuel est déroutant pour le profane. Pourquoi donc avoir découplé les garanties d’origine de l’électricité physique? Essentiellement pour soutenir les énergies renouvelables. C’est d’autre part beaucoup plus facile à gérer.
Imaginons qu’un distributeur veuille inclure 10% d’électricité photovoltaïque dans son offre. Il signe un contrat de fourniture avec un producteur possédant un grand parc photovoltaïque. Comme la production de celui-ci dépend de la météo, rien ne prouve qu’elle se fera au moment où le distributeur en a besoin.
Quantité équivalente
Avec le système actuel, cela n’a pas d’importance. Tout ce que l’on garantit, c’est que si le distributeur a acheté telle quantité de garanties d’origine pour du photovoltaïque, quelqu’un a injecté une quantité équivalente de cette électricité sur le réseau, quelque part, au cours de l’année.
Si l’on ne pouvait plus découpler les garanties d’origine de l’électricité physique, on se heurterait rapidement à des problèmes. Pour pouvoir certifier son électricité comme photovoltaïque, un distributeur serait obligé d’en prendre livraison au moment même où elle est produite. Or, il n’en a pas forcément besoin à ce moment-là, ou pas dans une quantité égale. La planification des achats deviendrait extrêmement difficile, alors qu’elle est essentielle pour garantir une fourniture d’électricité au meilleur prix et assurer la stabilité du réseau.
Les distributeurs, pour leur part, auraient beaucoup de peine à proposer des offres du type «électricité 100% verte et locale», car cette production ne correspondrait probablement pas en tout temps à leurs besoins. Or, le surcoût que les distributeurs touchent grâce à ces offres est investi dans le développement des nouvelles énergies renouvelables.
D’un point de vue climatique, l’idéal serait que le prix de l’électricité varie constamment en fonction de son impact climatique – elle serait beaucoup plus chère lorsque celui-ci est élevé. Les consommateurs pourraient ainsi adapter leur comportement de manière à minimiser leur facture et leur empreinte carbone. «La plupart d’entre eux auraient cependant beaucoup de peine à s’y retrouver», relève Alex Spahr. Cela nécessiterait également un changement de loi. «Actuellement, les distributeurs n’ont le droit d’adapter leurs tarifs qu’une seule fois par année», relève Véronique Tanerg, porte-parole de SIG.
Souple et flou
Le système actuel permet donc une gestion beaucoup plus souple… tout en brouillant considérablement les pistes de l’origine de l’électricité consommée et en envoyant des signaux erronés aux consommateurs sur l’impact climatique de leur propre consommation.
Le problème n’est pas passé inaperçu des milieux politiques. Réduisons la validité des garanties d’origine à trois mois, demande donc une motion acceptée par le Conseil national; le Conseil des Etats doit encore se prononcer. On empêchera ainsi que des garanties d’origine engendrées par une production estivale et renouvelable soient utilisées pour marquer de l’électricité beaucoup moins verte consommée en hiver.
Pour les distributeurs, la mise en œuvre représenterait un surcroît de travail. «Il existe actuellement un marché par année et par type de garantie d’origine, par exemple: hydraulique suisse 2022», relève Clarisse Martin. «Si la proposition est acceptée, il y aura un marché par trimestre et par type de garantie d’origine, soit quatre fois plus.» Cet obstacle ne semble pourtant pas rédhibitoire.
Défi hivernal
La question est plutôt de savoir si l’on trouvera assez de garanties d’origine pour de l’électricité renouvelable en hiver, alors que le photovoltaïque, par exemple, fonctionne au ralenti. «Si tous les distributeurs veulent offrir de l’électricité 100% suisse et renouvelable, la demande de garanties d’origine correspondantes va être très élevée en hiver, et l’on touchera peut-être aux limites du système», prévient Axel Spahr. Les garanties d’origine pour des productions vertes et hivernales deviendront soudain très demandées, alors que ce type de production est peu abondant. Les distributeurs pourraient ne pas en trouver assez pour marquer l’électricité qu’ils vendent aux consommateurs comme verte et locale.
En théorie, cela devrait pousser des investisseurs à augmenter les capacités de production verte hivernale. C’est à la fois nécessaire et plus facile à dire qu’à faire. Il faudrait pour cela augmenter les capacités des barrages de montagne, créer des parcs d’éoliennes et des parcs photovoltaïques de montagne (contrairement à ceux de plaine, ils produisent abondamment en hiver). Les projets se heurtent cependant à d’autres intérêts, comme ceux de la protection du paysage et de la nature. Les procédures peuvent prendre des années, sans certitude d’aboutir.
Bref, consommer du courant véritablement durable implique des sacrifices plus douloureux que de payer une électricité labellisée verte un peu plus cher. Les Suisses sont-ils prêts à y consentir?
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