#Prix Fixer son prix implique de bien cerner ce que l’on offre – sa proposition de valeur-, expliquent deux experts genevois. Le prix doit la refléter.
Une entreprise augmente ses prix, sans rien changer à son offre. Quel effet cela aura-t-il sur ses ventes? Si vous avez pensé: «Elles vont forcément baisser», vous n’êtes sans doute pas prêt à devenir coach chez Genilem, une association de soutien aux entreprises. La réalité est beaucoup plus complexe, a constaté à diverses reprises Pascal Bourgier, qui exerce cette activité. «Une entreprise industrielle fabriquait d’excellents appareils qu’elle vendait moins cher que la concurrence», raconte-t-il. «Les ventes augmentaient lentement. Des clients potentiels trouvaient qu’avec toutes ces fonctionnalités, des prix si bas étaient suspects. J’ai conseillé de les augmenter. Les ventes ont décollé.»
Fixer ses prix, pour beaucoup d’entreprises, est un casse-tête. C’est l’une des questions les plus fréquemment posées par celles qui consultent Genilem. «Beaucoup d’entre elles ont des marges insuffisantes, car elles ne pratiquent pas le prix juste», note Pascal Bourgier. Cette question doit être replacée dans un contexte plus large, complète Thierry Ungaro, fondateur du cabinet de conseils Ad Valoris, à Genève. «Le prix doit permettre de dégager la marge la plus élevée possible, mais une entreprise performante, c’est bien plus que cela. Elle doit notamment bien définir sa proposition de valeur.»
Proposition de valeur
Sa proposition de valeur? Il s’agit, au-delà du produit ou du service au sens étroit, de ce que l’on amène vraiment au client, du problème qu’on lui permet de résoudre. Si l’on n’en a pas une perception claire, il sera beaucoup plus difficile de fixer son prix et de le justifier.
«La propriétaire d’une boutique de vêtements m’a expliqué que, quand un nouveau client se présente, elle commence par l’aider à définir son style», illustre Thierry Ungaro. «Ce n’est qu’ensuite qu’elle lui suggère des habits qui lui correspondent.» Sa proposition de valeur n’est pas de vendre des articles, mais d’accompagner le client dans sa réflexion sur le style. Le temps qu’elle y passe n’est pas facturé. Il permet cependant de justifier des prix plus élevés.
Avoir défini précisément ce que l’on apporte ne permet pas encore de fixer ses prix. Deux autres éléments sont à prendre en considération. Premièrement, il faut calculer son prix plancher – celui en-dessous duquel on ne couvrira pas ses frais. Cela nécessite de connaître ses coûts, une démarche qui donne l’occasion d’identifier des pistes d’amélioration.
Etude de marché
Calculer le prix plancher implique de réaliser une étude de marché. Elle doit notamment déterminer les coûts fixes et le volume probable des ventes. C’est évidemment plus facile à dire qu’à faire. Un cinéma, par exemple, ne dispose pas de moyen infaillible pour savoir combien de spectateurs il attirera au prochain semestre. «On fait des hypothèses, en se basant notamment sur les résultats passés et sur ceux de concurrents», observe Pascal Bourgier. Une fois les coûts fixes et le volume de vente déterminés, il suffit de diviser le premier chiffre par le second pour obtenir le prix plancher. Deuxièmement, une entreprise doit connaître les prix du marché pour des produits ou services comparables. Attention, toutefois! Il ne faut jamais, au grand jamais, en discuter avec ses concurrents, même de manière informelle. On s’exposerait à une procédure de la Commission de la concurrence, dont les pratiques sont jugées très dures, même avec les PME. Rien n’empêche en revanche d’en parler avec ses clients, si les prix de la concurrence ne sont pas publics.
Se situer très en dessous du prix du marché risque de susciter la méfiance. C’est ce qui est arrivé au fabricant d’appareils industriels cité au début de cet article ou à un consultant en sécurité. «II avait de la peine à trouver des mandats», raconte Pascal Bourgier. «Les clients se disaient qu’à ce prix, il ne devait pas être très compétent. Je lui ai conseillé de s’aligner sur les prix du marché et, depuis, son agenda déborde.»
Justifier
Si on est en dessus, il faut le justifier par la proposition de valeur. C’est le cas de la boutique d’habits. «On peut trouver les mêmes vêtements ailleurs, mais rarement le même service», note Thierry Ungaro. «Neuf fois sur dix, quand j’entre dans un magasin et demande: qu’est-ce que vous me conseillez?, la personne ne sait pas bien répondre.» Corollaire: il faut expliquer très clairement ce que l’on fait, ce que l’on apporte. Un restaurateur qui ne cuisinerait qu’avec des produits durables ou labellisés Genève Région Terre Avenir, mais qui ne le ferait pas savoir à ses clients perdrait une occasion de créer un lien de confiance et de justifier des prix un peu plus élevés. Et si un client demande un rabais? Refusez, poliment, mais refusez! répondent en chœur Thierry Ungaro et Pascal Bourgier. «Quand vous avez vendu votre prix ou votre service moins cher, vous créez un précédent, et le client va vouloir obtenir le même rabais à l’avenir», explique Pascal Bourgier.
La bonne réaction est de commencer à exposer ce qui justifie son prix. «On peut par exemple expliquer que si ses produits sont plus chers que ceux de la concurrence, c’est qu’ils ont une durée de vie plus longue, qu’ils demandent moins d’entretien, etc.» expliquait Björn Ivens, alors professeur à HEC Lausanne, dans Entreprise romande en 2009. On en revient à la proposition de valeur.
Adapter
Si cela ne suffit pas, on peut adapter son offre. «Quand un client veut un rabais, je lui demande ses raisons», raconte Thierry Ungaro. «Je reformule ensuite mon offre en fonction de ses contraintes.» Si le prix total est trop élevé, on peut retirer certaines prestations ou les proposer en option. Si le client a des soucis de trésorerie, on peut assouplir les délais de paiement. S’il a de bonnes raisons de ne pas être entièrement satisfait, on peut lui offrir un petit cadeau – un prolongement de l’abonnement, un dessert, une journée de conseils gratuite, par exemple. Enfin, s’il trouve vos coûts unitaires trop élevés (par exemple l’heure ou la journée de travail), c’est peut-être que vous n’êtes pas le fournisseur qui lui convient.
Thierry Ungaro conclut en racontant une blague. Un grand navire est en panne. Quatre ingénieurs échouent à identifier le problème. Un cinquième arrive et donne un coup de marteau. La panne est résolue. Il envoie une facture de cent mille francs. Le propriétaire se plaint: «Tout de même, cent mille francs pour un coup de marteau, c’est très cher!» «C’est vrai», répond l’ingénieur. Il modifie sa facture: «Donner un coup de marteau: deux francs. Savoir où taper: nonante-neuf mille neuf cent nonante-huit francs.»
Et vous, qu’apportez-vous en dehors d’un coup de marteau?
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