#Initiative Paysage Le retrait du texte, au profit du contre-projet sous la forme de la deuxième révision de la loi sur l’aménagement du territoire, illustre le défi de concilier divers intérêts en jeu.
Ces dernières années, les Suisses ont été régulièrement appelés aux urnes pour s’exprimer sur des projets environnementaux. L’initiative paysage, qui visait à limiter les constructions en dehors des zones à bâtir, a été retirée en faveur de la deuxième révision partielle de la loi sur l’aménagement du territoire (LAT2), adoptée par le parlement fédéral en septembre 2023. Elena Stozzi, de Pro Natura, responsable de la campagne de l’initiative paysage, explique qu’à ce stade, la revendication principale des milieux de la nature a été prise en compte. «Nous avons constaté que le parlement souhaite limiter la construction des bâtiments en dehors des zones à bâtir.»
Le cas des zones spéciales
Les points essentiels de la LAT2 visent à limiter l’étalement urbain, à optimiser les zones déjà bâties et à protéger le sol agricole et les paysages suisses. Le texte encourage une gestion durable du territoire, cherchant à harmoniser la prise en compte des besoins économiques, environnementaux et sociaux. Pour y parvenir, la coordination entre les différents niveaux de gouvernement en vue de réaliser une planification cohérente est fondamentale. De plus, la révision encourage la participation des citoyens et des parties prenantes dans ces processus.
Parmi les nouveaux outils de la LAT2, la méthode territoriale est au cœur de l’attention. Les plans d’affectation du territoire pourront indiquer des «zones spéciales», ayant des usages spécifiques autres que des zones à bâtir, des zones agricoles ou des zones protégées. Ces zones spéciales sont conçues pour répondre à des besoins particuliers de développement: elles permettent des constructions dans les zones non constructibles, uniquement si une conception d’ensemble du territoire est prévue, avec une amélioration de la situation générale et des mesures de compensation et d’amélioration.
Il appartiendra aux cantons et aux communes de les délimiter et de les gérer, en conformité avec les directives fédérales et en consultant les acteurs locaux concernés. A titre d’exemple, on peut imaginer que des zones puissent permettre l’utilisation et le développement de bâtiments et d’infrastructures touristiques, cela en dehors des zones à bâtir.
Logiquement, les auteurs de l’initiative paysage scruteront avec attention la mise en pratique de cette loi. Elena Stozzi reconnaît la nécessité de prendre en compte certaines situations particulières, comme celles nécessitant une utilisation sensée des bâtiments existants. Cependant, elle espère que les dérogations pour des projets non conformes à l’affectation de la zone restent l’exception. De plus, elle précise que les besoins relatifs à la biodiversité, à la préservation des sols ou à la qualité du paysage ne doivent pas être oubliés.
Mesures compensatoires
Dans le but de rester flexible et ciblée, la LAT2 prévoit des mesures compensatoires en cas d’empiètement sur ces fameuses zones spéciales. Celles-ci pourront inclure la création ou l’amélioration d’espaces verts supplémentaires, d’habitats naturels, de zones humides ou de projets de conservation. En outre, même si elle n’entre pas dans la catégorie des mesures compensatoires, une prime à la démolition sera accordée aux propriétaires de vieux bâtiments hors d’usage qui voudront entreprendre ces travaux. «Jusqu’ici, cette approche s’avère innovante et positive», observe prudemment Elena Strozzi, précisant qu’il conviendra d’attendre l’entrée en vigueur de la LAT2, sans doute vers la mi-2025. De leur côté, les milieux du tourisme souhaitent que les spécificités régionales soient prises en compte, estimant que cela implique des conditions particulières pour permettre un développement adapté et économiquement viable. Selon eux, une application trop rigide et uniforme pourrait freiner la compétitivité de certaines régions, en particulier celles qui dépendent fortement du tourisme.
En revanche, les milieux proches de la nature ne souhaitent pas que ces spécificités régionales affai- blissent la prise en compte de la protection de l’environnement. Ils souhaitent que le principe fondamental de la séparation entre les zones à bâtir et les zones non constructibles soit appliqué de la manière la plus uniforme possible à l’échelle du territoire. Des points de convergence existent, notamment sur l’importance d’une planification territoriale et d’un équilibre à trouver. En résumé, les initiatives et les projets visant à protéger l’environnement au sens large rencontrent une forte mobilisation de la société civile en Suisse. Cependant, les besoins de construction et d’activités agricoles sont aussi des dynamiques à prendre en compte. Avec une population croissante, la pression urbaine traduit les besoins en logements, qui entrent parfois en conflit avec la protection des paysages naturels. L’agriculture a également besoin de terres pour cultiver et élever du bétail, ce qui peut menacer certaines zones protégées. Enfin, l’économie, notamment l’industrie ou le tourisme, peuvent à leur tour exercer des pressions. Concilier ces différents besoins reste un défi constant.
Depuis l’entrée en vigueur de la LAT en 1980, de nombreuses dispositions dérogatoires y ont été introduites et le catalogue des utilisations réputées conformes à l’affectation de la zone agricole s’est étendu. Diverses interventions parlementaires en faveur de nouvelles possibilités de dérogation continuent d'être lancées sous la forme d’initiatives cantonales, d’initiatives parlementaires et de motions. Le Conseil fédéral a tenté à plusieurs reprises de refondre la réglementation relative aux constructions hors zone à bâtir, mais sans succès. Avec la LAT2, le parlement a enfin trouvé un compromis accepté à l’unanimité par l’assemblée fédérale.
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