Confiance numérique, mode d’emploi pour une croissance durable
Fathi Derder Managing director, Swiss Digital Initiative Publié jeudi 27 avril 2023
Lien copié
La confiance est une composante centrale de notre système économique. Sans confiance, pas de commerce.
Or, le niveau de confiance dans le monde numérique est très bas. Dans cet univers reposant sur le partage de données, la situation est paradoxale: les utilisateurs n’ont aucune confiance, mais ils s’en fichent, consommant les yeux fermés. Jusqu’au prochain scandale. Car la situation changera: une nouvelle génération de consommateurs émerge. À ce jour, nous ne nous posons pas de questions, ou trop peu. Nous acceptons les conditions générales, pressés d’accéder à un service et dépassés par un cadre que nous ne comprenons pas. Cet étrange paradoxe du consommateur méfiant, mais indifférent, est confirmé par une étude de McKinsey menée en 2022 auprès de trois mille consommateurs: 60% pensent que les entreprises veulent avant tout profiter des données et non les protéger. En même temps, la quasi-totalité des consommateurs sondés considèrent que la confiance numérique constitue un facteur essentiel pour eux. Sont-ils donc 60% à quitter le service de l’entreprise à laquelle ils ne font pas confiance? Non: ils sont seulement 10%. Trois fois rien.
Ça changera. «Bien que de nombreux consommateurs utilisent encore des produits d’entreprises qui ont sans doute abusé de leur confiance, nous constatons que la situation commence lentement à changer», analyse une des auteurs de l’étude, Liz Grennan. Il est certain que cette indifférence ne durera pas: mieux formées à la culture numérique, les nouvelles générations se montrent plus exigeantes. «Les résultats de l’enquête le confirment: les personnes les plus au fait des technologies numériques ou appartenant à des générations qui ont été élevées dans ce domaine sont plus susceptibles de considérer ces questions au même titre que les facteurs d’achat habituels, tels que le prix, au moment d’effectuer (ou d’interrompre) un achat.»
A l’image de ce qui s’est produit dans l’industrie agro-alimentaire, l’exigence de durabilité de consommateurs imposera un changement aux entreprises. Elles n’auront pas le choix, estime Liz Grennan: «Celles qui ne parviennent pas à gagner la confiance des consommateurs risquent d’être effacées dans l’esprit de ces derniers». Mais cela n’est pas qu’une menace: c’est une opportunité de croissance pour les entreprises. L’étude indique que les organisations qui garantissent un cadre de confiance numérique sont les mieux placées pour afficher un taux de croissance annuelle d’au moins 10% sur leur chiffre d’affaires et leur résultat net: «Instaurer la confiance numérique n’est pas seulement la bonne chose à faire, mais offre également la possibilité de débloquer un horizon de croissance future, ce qui en fait une situation win-win pour les clients et les entreprises», conclut Jim Boehm, un autre auteur de l’étude.
Reste à déterminer l’essentiel: comment faire? Comment instaure-t-on un code de conduite éthique au sein de son entreprise? Quelles sont les bonnes pratiques? En gros: quel est le mode d’emploi de la confiance numérique? La Swiss Digital Initiative (SDI) a passé deux ans à étudier la question. Elle a réuni en 2020 un groupe d’experts, dirigé par le centre pour la confiance numérique de l’EPFL. Résultat, un catalogue de 35 critères, dans quatre catégories: sécurité, protection des données, fiabilité et interaction avec l’utilisateur. Une liste comme autant de questions à se poser en tant qu’entreprise responsable. Exemple: «Permettons-nous aux utilisateurs d’accepter ou de refuser le traitement de leurs données? Leur permettons-nous d’accéder aux données que nous collectons? Leur fournissons-nous des informations claires sur l’utilisation d’algorithmes d’intelligence artificielle?» Sur cette base, SDI a lancé en 2022 le Digital Trust Label, un label contrôlé par un auditeur indépendant, adopté par des entreprises pionnières en Suisse et à l’étranger.
Des entreprises qui montrent l’exemple, anticipent les exigences des utilisateurs et leur garantissent un traitement fiable, éthique et sécurisé de leurs données. Le mouvement pour la confiance numérique doit s’étendre: en mai, nous mettrons à la disposition des entreprises un outil d’auto-évaluation gratuit en ligne. En juin, nous lancerons une campagne de sensibilisation internationale au salon VivaTech, à Paris.
Les entreprises doivent comprendre que le besoin de confiance est le même dans le numérique que dans le monde «réel ». Pour une raison simple: ces deux mondes ne font qu’un. Le numérique n’est pas une jungle à part. Le numérique est le réel. Le consommateur a besoin de confiance. L’entreprise peut la lui garantir. Des outils simples existent pour adopter un code de conduite exemplaire. Et garantir un fonctionnement éthique.
En autorisant les services tiers, vous acceptez le dépôt et la lecture de cookies et l'utilisation de technologies de suivi nécessaires à leur bon fonctionnement. Voir notre politique de confidentialité.