Déchets nucléaires: les défis de l'enfouissement à très long terme
Flavia Giovannelli
Publié vendredi 13 décembre 2024
Lien copié
#Atome Le choix du secteur est une question de garantie à long terme.
Après avoir cherché le meilleur site pour des dépôts en couches géologiques profondes en Suisse pendant près de cinquante ans, la société coopérative nationale pour le stockage des déchets nucléaires (Nagra) a opté pour une région située dans l’Unterland zurichois, le massif de Nord des Lägern (cantons d’Argovie et de Zurich).
Le 19 novembre dernier, la Nagra a officiellement demandé à l’Office fédéral de l’énergie l’autorisation d’y réaliser un dépôt en profondeur pour stocker des déchets nucléaires.
«Le choix du site est une question de garantie de sécurité à long terme, soit un million d’années», explique Jagna Züllig, porte-parole à la Nagra. Le début des travaux se situerait autour de 2045, avec les premiers enfouissements de déchets en 2050. Ce «projet du siècle», comme le baptise la société coopérative, suscite de vives réactions de tous bords politiques. L’enjeu est énorme, avec une responsabilité engagée pour les générations futures, auxquelles il faut donner toutes les garanties de sécurité et d’absence de conséquences environnementales et économiques. Il faut aussi tenir compte de l’éventualité de pouvoir stocker de nouveaux déchets sur le site si la Confédération poursuit l’idée de relancer la construction de centrales. Avec l’énergie atomique, les temporalités sont à grande échelle et impliquent une réflexion complexe. «Nos études géologiques relèvent que la région choisie est l’une des zones les plus calmes de Suisse en matière de séismes. De plus, nous y disposons du plus grand espace constructible dans le sous-sol, ce qui confère le plus de flexibilité pour la construction du dépôt.» Outre sa section souterraine, le site comprend des infrastructures de surface indispensables à son fonctionnement. Une surveillance active est assurée pendant plusieurs décennies, et l’accès demeure possible pour vérifier la stabilité ou, si nécessaire, récupérer les déchets.
Zones de stockage séparées
Le stockage en profondeur repose sur des techniques sophistiquées. La Nagra a prévu d’enfouir à la fois des déchets de haute activité, comme le combustible des centrales nucléaires, et des déchets de faible et moyenne activité, provenant par exemple de l'exploitation ou du démantèlement d'une centrale nucléaire, tels que des filtres ou des combinaisons de protection. Ces types de déchets possèdent des propriétés physiques différentes et doivent être éliminés séparément.
C'est pourquoi des zones de stockage séparées sont prévues dans le dépôt en profondeur. La quantité attendue de déchets plus les réserves représentent la capacité de stockage maximale définie dans la demande d’autorisation générale et repose sur les dispositions de la Loi fédérale sur l’énergie nucléaire.
En l’occurrence, la Nagra propose une capacité de stockage maximale de deux mille cinq cents mètres cubes pour les déchets de haute activité, dont huit cents mètres cubes de réserve. Un volume de cent mille mètres cubes est proposé pour les déchets de faible et de moyenne activités, dont cinquante-cinq mille mètres cubes de réserve.
Selon la dernière étude de la Nagra concernant les coûts, datant de 2021, les dépenses pour le dépôt en couches géologiques profondes s'élèvent à environ douze milliards de francs. Elles ont été approuvées à toutes les étapes par la Confédération, la prochaine étant prévue en 2026.
Toutefois, si la Confédération décidait de construire de nouvelles centrales nucléaires, les conséquences pour la gestion des déchets devraient également être discutées et faire l'objet d'une nouvelle autorisation. «La demande d'autorisation générale déposée par la Nagra n'inclut que les déchets des centrales existantes», souligne Jagna Züllig.
A la suite de l’annonce de la Nagra, la presse alémanique s’est fait l’écho de la polémique qui gagne déjà les milieux politiques. Il semble que la discussion sur le stockage définitif ne pourrait être menée sans parler d'éventuelles nouvelles centrales nucléaires. De leur côté, les Verts et le parti socialiste zurichois ont déjà annoncé qu’ils lanceraient le cas échéant un référendum visant à l'abandon définitif de l'énergie nucléaire. Le Conseil fédéral devrait se prononcer en 2029, le parlement en 2030, écrit la Nagra. Une votation populaire, que la Nagra juge souhaitable pour donner au projet une légitimité démocratique, pourrait avoir lieu en 2031.
En autorisant les services tiers, vous acceptez le dépôt et la lecture de cookies et l'utilisation de technologies de suivi nécessaires à leur bon fonctionnement. Voir notre politique de confidentialité.