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Défis globaux: une question d’échelle

Pierre Cormon Publié le vendredi 15 mars 2024

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Médias, politiques, ONG et chercheurs ne cessent de présenter de nouvelles solutions aux défis globaux. Comment les évaluer? Pour ma part, je commence par me poser deux questions. D’abord: «Est-ce transposable à grande échelle?».

Le bitcoin prétend affranchir la monnaie des influences étatiques. Il marche raisonnablement bien avec un nombre limité d’adeptes. Si tout le monde devait les rejoindre, les calculs requis par le fonctionnement du système le ralentiraient tellement qu’il deviendrait difficilement utilisable et ferait exploser la consommation électrique mondiale. Pas applicable à grande échelle.

Des compagnies comme United Airlines utilisent un peu de biocarburant, tiré de déchets agricoles. Généraliser cette source d’énergie aux seuls Etats-Unis requerrerait cependant d’y consacrer spécifiquement des cultures d’une surface égale à la France, l’Italie, l’Allemagne et la Suisse réunies. Bon à petite échelle, pas applicable à grande échelle.

La deuxième question est: «Si on appliquait cette solution à grande échelle, quelles seraient les conséquences?». Une voiture électrique a généralement un meilleur bilan environnemental qu’une voiture thermique, mais contient six fois plus de métaux. Or, l’extraction minière cause des problèmes considérables: production de quantités astronomiques de déchets toxiques, énorme consommation d’eau dans des régions souvent arides, etc. Ces effets ne font que s’accroître avec le temps, les sites les plus favorables ayant déjà été exploités. Conséquence: plus les véhicules électriques seront nombreux, plus leur bilan écologique empirera. Séduisant à petite échelle, problématique à grande échelle.

A petite échelle, l’agriculture biologique est généralement meilleure pour l’environnement que l’agriculture conventionnelle. Ses rendements sont toutefois inférieurs de plusieurs dizaines de pourcents. La généraliser demanderait d’augmenter d’autant les surfaces cultivées pour obtenir la même quantité de nourriture (à moins de diminuer drastiquement notre consommation de produits animaliers). Ce ne pourrait être fait qu’au détriment des espaces naturels et de la biodiversité. Bon à petite échelle, mauvais à grande échelle.

Ce n’est en revanche pas le cas de l’agriculture de conservation, qui permet de séquestrer du CO2 et de régénérer les sols sans diminuer les rendements. Bon à petite et à grande échelle. On peut bien entendu contester ces évaluations. Les deux questions auxquelles elles esquissent des réponses, en revanche, sont incontournables.

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