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Des crises en cascade

Thierry Malleret Publié lundi 18 septembre 2023

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Dans leur communiqué final, les leaders du sommet du G20 qui vient de se tenir en Inde mettent en garde contre les risques que des «crises en cascade» font peser sur la croissance mondiale. A quoi, précisément, font-ils référence? Et que cela signifie-t-il?

Depuis quelques années, le monde semble pris dans un maelström de risques que nous ne maîtrisons pas ou sommes incapables de gérer. Chacun d’entre eux évolue de manière rapide, souvent abrupte et concomitante – avec les autres. Comment se répartissent-ils?

Le risque climatique, aujourd’hui rendu évident pour tous par la succession d’événements climatiques extrêmes, est le risque avec un grand R majuscule et en gras. Les dômes de chaleur, feux de forêt, déluges et crues subites qui se sont enchaînés partout dans le monde au cours de l’été entraînent des conséquences d’ordre économique (en particulier sur les politiques fiscales et monétaires), géopolitique (ils sont sources de tension, comme sur les questions de gestion de l’eau) et sociétal (la crise climatique frappe avant tout les personnes les plus vulnérables). Pour certains pays fragiles, comme le Pakistan, c’est un risque existentiel immédiat - pas pour demain ou dans quelques années - qui fragilise encore davantage l’économie et met à mal la cohésion sociale. C’est la raison pour laquelle la crise environnementale - dont le climat et la nature sont les deux composantes - constitue de loin le principal risque auquel nous sommes confrontés. La raison en est évidente: il alimente tous les autres risques et en exacerbe les effets.

Puis vient le risque géopolitique. Nous vivons une époque marquée par la fin de de l’hyperdominance américaine et l’émergence de la multipolarité. Cela se traduit par une scène internationale fracturée, de nouvelles formes de compétition, où l’économie est mise au service d’intérêts de sécurité nationale (évident dans le cas de la guerre technologique que se livrent les Etats-Unis et la Chine), et le retour en force de nouvelles formes de rivalité et de conflits militaires (dont la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine ou la succession de coups d’Etat militaires en Afrique sub-saharienne sont deux exemples frappants). Le risque sociétal a lui aussi crû en importance. Tout comme l’espace géopolitique, les sociétés contemporaines se fracturent – un phénomène marqué par le retranchement identitaire, la polarisation politique et un sentiment de frustration et de malaise croissant. Il y a beaucoup de colère bouillant sous la surface – une réalité observée et mesurée partout dans le monde par l’indice de «satisfaction de la vie» publié chaque année par Gallup. Malgré des années de croissance (parfois forte) du produit national brut, cet indice a décru globalement et sur la durée – bien avant que la pandémie ne commence.

Enfin, le risque technologique! Ce risque a une particularité: il offre d’incroyables opportunités pour les investisseurs et l’économie au sens large, car beaucoup de technologies se développent de manière exponentielle en offrant beaucoup d’espoir dans des domaines aussi différents que la santé, la gestion de l’eau ou la transition énergétique. Mais les nouvelles technologies recèlent aussi un potentiel de malfaisance qui inquiète. Prenons l’intelligence artificielle. Elle pourrait augmenter de manière très substantielle la productivité de nos économies en les tirant ainsi vers le haut, mais pour le moment elle fragilise nos sociétés en répandant le cancer de la désinformation et en accentuant de manière significative les problèmes de santé mentale, surtout chez les plus jeunes. Loin de moi l’idée de présenter un paysage sombre des prochaines années, mais il est inutile et dangereux de se voiler la face. Lorsque les dirigeants du G20 évoquent le problème de «crises en cascade», c’est précisément à cela qu’ils font référence: à cette capacité unique qu’ont les risques environnementaux, géopolitiques, sociétaux et technologiques d’interagir les uns avec les autres et d’exacerber leurs impacts au travers de crises qui s’enchaînent, comme si elles s’alimentaient les unes les autres. Leur crainte, affichée à New Dehli, est que cette réalité contemporaine affectera de manière significative les perspectives de croissance de l’économie globale. Il faudra donc s’habituer, et s’ajuster, à moins de croissance que par le passé. Le Fond Monétaire International estime que le PNB mondial baissera de 3.5% l’an dernier à 3% cette année et les quatre années prochaines. Une piètre performance comparée à celle des années précédentes: il s’agit de la plus basse prévision de croissance de moyen-terme depuis 1990, en-deçà de la moyenne de 3,8% sur cinq ans observée au cours des deux dernières décennies. Le principal coupable? La géopolitique et sa fragmentation progressive de l’économie globale en blocs qui s’opposent les uns les autres.

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