#Suisse-UE La Suisse est rétrogradée dans les programmes européens de recherche et formation. Les entreprises risquent de délocaliser pour rester à la pointe.
Imaginez que vous receviez une lettre vous signalant que votre permis de conduire suisse n’est plus valable dans l’Union européenne (UE), alors que vous y conduisez souvent pour des raisons professionnelles. C’est un peu l’expérience qu’ont vécue de nombreuses entreprises suisses actives dans les dispositifs médicaux.
L’accord bilatéral sur la reconnaissance mutuelle des normes permet aux entreprises suisses vendant des produits déjà certifiés en Suisse de ne pas avoir à les faire certifier une seconde fois pour les vendre dans l’UE. Or, il n’est plus actualisé depuis que la Suisse a renoncé à l’accord cadre avec l’UE. La législation européenne sur les dispositifs médicaux ayant évolué, les certifications suisses en la matière n’y sont plus reconnues. D’autres secteurs devraient sortir à leur tour de son champ d’application. Deux tiers des échanges industriels entre la Suisse et l’UE sont potentiellement concernés.
Temps et frais supplémentaires
Les entreprises concernées doivent donc faire certifier leurs appareils par un organisme d’un pays de l’UE, ce qui prend du temps et coûte de l’argent, alors qu’elles sont déjà désavantagées par leurs coûts de production élevés. «Le temps perdu est très dommageable, car nous ne sommes pas seuls sur le marché et la concurrence va très vite», remarque Nicola Thibaudeau, directrice de Micro Precision Systems. «Pour nous, cette année a été perdue.»
De plus, de nombreuses questions juridiques restent floues, notamment au sujet des appareils reconnus en Suisse sous l’ancienne législation. Une telle situation est susceptible de rebuter des clients peu désireux de prendre des risques. Se rapprocher du Royaume-Uni, des Etats-Unis ou du Japon ne résout pas le problème. «Il faudrait de nouveau effectuer des tests de conformité, des formalités, etc.», note Astrid Epiney.
«Si c'était à refaire…»
«Si c’était à refaire aujourd’hui, je ne créerais pas une entreprise telle que la nôtre en Suisse», lâche Grégoire Ribordy, cofondateur et CEO d’ID Quantique, tête de file genevoise de la cryptographie quantique, qui emploie une centaine de personnes à Genève. La Suisse a en effet également été rétrogradée au statut d’Etat tiers dans le cadre du programme Digital Europe, central pour l’entreprise.
«Les fonds européens nous financent de trois à cinq postes par année», relève Grégoire Ribordy. «La Suisse, en revanche, ne finance pas directement les entreprises. Son système est inefficace.» Le manque d’intégration de la Suisse à l’UE coûte en outre des marchés publics à l’entreprise. «Comme le domaine est jugé très sensible, seules des entreprises européennes peuvent y participer», poursuit l’entrepreneur. «Disposer d’une filiale dans l’UE ne suffit pas si elle est contrôlée depuis la Suisse.»
Suivre les meilleurs
Même des entreprises actives avant tout sur le marché intérieur s’inquiètent de la situation.
C’est par exemple le cas d’Elca (informatique), qui emploie mille sept cents personnes, dont une majorité d’ingénieurs. «Nous avons des partenariats avec plusieurs hautes écoles et nous avons besoin de recruter les meilleures personnes», explique Yves Pitton, membre de la direction de l’entreprise. «Nous irons donc là où elles se trouvent.»
Autrement dit: si la qualité de la recherche et de la formation suisses se dégrade du fait de la rétrogradation du pays dans les programmes européens, les entreprises qui ont besoin de personnes de pointe déplaceront de plus en plus d’activités à l’étranger.
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