#Forum innovation sociétale
Une évidence s’est imposée aux médecins présents: il faut soigner autrement. Et former autrement.
Au Forum Innovation Sociétale, plusieurs figures de la santé en Suisse se sont entretenues pendant près de quatre heures sur le campus de l’Université de Lausanne (UNIL) le 30 avril. Un constat partagé s’est imposé: il faut repenser la formation continue pour l’adapter aux besoins du terrain. «Aujourd’hui, on ne soigne plus les patients, mais avec les patients», assène Dominique Truchot-Cardot, professeure à la Haute école de la santé La Source et responsable du Source Innovation Lab.
Former autrement
Il ne suffit plus de combattre une maladie. L’humain, dans toute sa complexité, est au cœur du traitement. Estimant dans cette logique qu’«il faut former autrement pour soigner autrement», la professeure énumère trois transformations profondes indispensables. D’abord, répondre à l’infobésité en matière de santé et de soins en formant les soignants de demain à être des accompagnants, dans un contexte où nous sommes passés de «Docteur House à Docteur GPT», sourit-elle. Ensuite, «le patient a des vulnérabilités invisibles, comme les craintes autour de son pouvoir d’achat, de ses enfants ou des crises mondiales, ce qui nécessite de s’extraire de la maladie pour aller plus loin».
Enfin, «on soigne bien mieux avec une relation qu’avec un médicament, mais ce n’est pas enseigné dans les amphithéâtres», affirme-t-elle. Pierre-Yves Rodondi, professeur de médecine familiale à l’Université de Fribourg, rebondit sur ces propos. «Beaucoup de mes patients sont angoissés par la géopolitique et je me retrouve plusieurs fois par jour à en parler.»
Lourdeur administrative
La relation entre soignants et patients est amenée à changer, notamment avec l’environnement de travail. C’est en tout cas le point de vue que défend Nicolas Senn, vice-doyen de la faculté de biologie et de médecine à l’UNIL et médecin chef à Unisanté. Il regrette que «la relation de soin soit paralysée par une série de contraintes bureaucratiques et administratives». Pierre-Yves Rodondi complète le tableau: «Quand on passe plus de temps à noter ce que l’on fait que de temps à soigner, il y a un problème», avant de lancer: «beaucoup de soignants quittent la profession, c’est dramatique». «La loi sur l’assurance maladie a pratiquement doublé en termes de nombre de pages et d’articles», appuie Stéphanie Monod, médecin cheffe à Unisanté et professeure à la faculté de biologie et de médecine. «Avec ce besoin de contrôler les coûts de la santé, on créé une charge administrative extrêmement élevée en comparaison internationale», analyse-t-elle.
Empathie
Après une discussion concentrée sur la formation continue, le modérateur interroge les invités sur les changements qu’ils jugeraient nécessaires dans la formation initiale. Pierre-Yves Rodondi s’insurge contre le système de sélection des étudiants, qui écarte environ 60% des aspirants médecins en première ou en deuxième année du cursus. «Ensuite, on va chercher des médecins à l’étranger, en aggravant ainsi les déserts médicaux dans leurs pays», lance-t-il. L’empathie n’est malheureusement pas un critère de sélection. Les HES connaîtraient le même problème: «on sélectionne les plus résistants avant de sélectionner les plus empathiques», résume Dominique Truchot-Cardot.
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