Disparition de la loi chocolatière: une pilule difficile à faire passer
Flavia Giovannelli
Publié mardi 26 décembre 2023
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#OMC Pour se conformer à ses engagements par rapport à l’Organisation mondiale du commerce, la Confédération a abandonné la loi chocolatière. Un compromis a été trouvé en 2019 avec des mesures d’accompagnement ménageant le secteur agricole tout en assurant la compétitivité de l’industrie chocolatière.
En tant que membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la Suisse doit accepter certaines obligations en accord avec la vision libérale de cette organisation, qui régule le commerce international. Or, il a fallu modifier des dispositions légales de la loi chocolatière, qui prévoyait explicitement une subvention à l’exportation dans le domaine agricole. Celles-ci permettaient à la filière de pratiquer des prix compétitifs, grâce à une enveloppe de près de 100 millions de francs par année. Or, lors de la Conférence ministérielle de l’OMC à Nairobi, la Suisse a dû y mettre fin en signant l’accord de principe sur une interdiction de toutes subventions à l’exportation dans le domaine agricole. Les nouvelles règles sont entrées en vigueur en 2019.
Le cacao fait exception
Entretemps, les juristes ont dû trouver la parade pour continuer à préserver la branche paysanne dans son ensemble et l’industrie alimentaire, notamment la filière du chocolat, qui n’aurait pas pu acheter à des prix compétitifs des denrées entrant dans la composition de ces spécialités, essentiellement le lait et les céréales. Une situation complexe, ayant nécessité un traitement législatif technique. Si les chocolatiers s’approvisionnent hors des frontières pour certaines denrées, ils ne peuvent pas utiliser le mot suisse, ni la croix nationale sur fond rouge. Ce qui, sur les marchés internationaux, revient à se passer d’un avantage marketing de taille, celui de la réputation du chocolat suisse. Or, la réglementation concernant la provenance «suisse» pour les denrées alimentaires est exigeante: au moins 80% du poids de celles-ci doivent provenir de Suisse et 100% de lait doit être issu de la production suisse. A noter que le cacao fait partie des exceptions admises (hors condition des 80%), n’étant pas disponible sur le sol domestique.
Nouvelles mesures d’accompagnement
Pour résoudre ce dilemme, le nouveau cadre légal spécifique, en vigueur depuis 2019, prévoit deux nouvelles mesures d’accompagnement. La première est une aide financière, non liée aux exportations, versée directement aux producteurs de lait et de céréales depuis le 1er janvier 2019. Il s’agit d’un montant de 4,5 centimes de francs par litre de lait commercialisé, montant augmenté de 0,5 ct par litre en 2022. Quant aux producteurs de céréales, ils bénéficient d’un supplément basé sur la surface de production éligible. Celui-ci est calculé annuellement sur la base des moyens financiers prévus et de la surface céréalière donnant droit au supplément. Il est de cent vingt-quatre francs par hectare (chiffres de 2021). La seconde mesure facilite l’accès prévisible et en quantité suffisante à des matières premières concurrentielles pour l’industrie alimentaire suisse1. Le Conseil fédéral a prévu une évaluation de ces nouvelles mesures de soutien quatre ans après leur introduction. L’examen est donc actuellement en cours, un institut indépendant de l’Etat étant chargé d’examiner les chiffres des filières concernées et de les interroger par biais de sondage. C’est donc en principe courant 2024 que nous en saurons plus sur les effets concrets de ces changements. Toutefois, nous ne sommes sans doute pas encore au bout du suspense, puisque la Commission de l’éco- nomie du Conseil national attaque cette solution de compromis. Une position qui a fortement irrité la filière, Chocosuisse, qui a déjà réagi, avertissant les politiques que la compétitivité et donc des emplois dans le secteur alimentaire d’exportation en général sont en jeu.
1 La facilitation de la procédure d’autorisation du trafic de perfectionnement actif pour les produits laitiers et céréaliers de base est une mesure qui permet d’importer des matières premières étrangères hors droits de douane dans le but d’en fabriquer des produits qui seront ensuite réexportés hors du territoire suisse. Ce mécanisme permet ainsi l’accès à des matières premières à prix concurrentiel pour l’industrie alimentaire suisse. (Source: Loi sur les douanes)
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