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Du présentéisme contemplatif à l’avenir des petits chefs

Eric Décosterd Chargé de cours HES Publié vendredi 23 juin 2023

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Être présent physiquement à son travail mais avoir la tête ailleurs, nous l’avons tous vécu - à titre tout à fait exceptionnel, bien sûr!

Des employés physiquement au travail, mais mentalement absents, nous l’avons tous vu - à titre non exceptionnel. C’est le présentéisme contemplatif.

Les employés sont présents dans l’entreprise durant les horaires convenus, mais ils font uniquement acte de présence. Rien d’autre. Des gens qui ont «démissionné» en toute discrétion, sans aviser leur direction, sans qu’elle le sache. C’est évidemment très pénalisant pour l’entreprise. Concrètement, les employés viennent au bureau pour toucher leur salaire, participent à des réunions, laissent en permanence une veste sur le dossier de leur chaise. Bref, tout ce qu’il faut pour se montrer présents et travailleurs.

Que peut faire le responsable pour combattre ce problème? Les mesures classiques: établir des objectifs clairs (si possible) en termes de résultats à atteindre, renforcer la communication en mettant l’accent sur des sessions de feed-back, reconnaître les réalisations et valoriser le personnel.

Et l’absentéisme dans tout cela? Par absentéisme, on entend des absences répétées sans justificatif acceptable. Un taux d’absentéisme élevé révèle des problèmes importants dans l’entreprise, qui aboutiront fatalement à une baisse de la productivité et donc de la rentabilité. Que peuvent faire les responsables? D’abord, identifier les causes. Ensuite, favoriser la flexibilité avec des horaires souples, créer un environnement de travail positif, offrir des avantages sociaux.

L’absentéisme ne doit pas être confondu avec les absences. Ces dernières sont souvent appelées «usuelles» et généralement justifiées. Elles couvrent des événements exceptionnels personnels et familiaux, des obligations personnelles urgentes ne pouvant être réglées en dehors des heures de travail. On pense bien entendu à la maladie, au mariage, à une naissance, à un décès, à un déménagement, à des démarches administratives ou juridiques. Que peut faire le responsable? Par exemple, prendre des mesures préventives pour aider les employés à rester en bonne santé ou pour éviter des accidents.

Les coûts que supporte annuellement l’économie suisse en raison de ces absences font certes régulièrement l’objet de statistiques et de publications. Elles équivaudraient – elles sont de sept jours en moyenne, pour cause de maladie, d’accident ou de démotivation – à plus de quatre milliards de francs à la charge de l’économie suisse, soit de 4% à 5% de la masse salariale totale.

Absences, absentéisme, présentéisme: ce sont sans nul doute trois alertes pour les responsables hiérarchiques. Le présentéisme et l’absentéisme se combattent, les absences se gèrent! À cela vient s’ajouter le télétravail, qui s’est imposé à la suite de la pandémie et qui a fait naître de nombreuses attentes.

Les entreprises ont conscience que le management traditionnel, pyramidal et présentiel est arrivé à bout de souffle. Plusieurs d’entre elles s’engagent dans des projets d’innovation managériale. Il s’agit de mettre en place une culture d’innovation qui encourage à adopter de nouvelles méthodes et technologies pour améliorer le processus de travail. Fixer des objectifs par résultats et non par tâches, former les employés aux nouvelles technologies, encourager l’expérimentation et donner le droit à l’erreur, responsabiliser et écouter. Prendre ces mesures ne signifie pas annihiler l’autorité des dirigeants.

Comme le souligne Pierre-Henri Tavoillot, maître de conférences en philosophie et essayiste, il est fréquent de confondre pouvoir et autorité. Tavoillot recommande de distinguer le pouvoir sans autorité (le petit chef) et l’autorité sans pouvoir (le sage). L’avenir des petits chefs semble compté!