Entre passion et sacerdoce

Sion sous les étoiles.
Sion sous les étoiles.
Flavia Giovannelli
Publié vendredi 07 juillet 2023
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#Festivals L’organisation d'un festival exige une rentabilité accrue qui reflète les modifications des modèles de rémunération.

Pour les amateurs de festivals, la belle époque est enfin de retour, avec une offre qui propose largement de quoi plaire à tous les publics. La diversité de ces manifestations culturelles est également à souligner, puisque festival ne rime plus nécessairement avec estival. Les déclinaisons des genres n’en finissent plus. Les rendez-vous habituels, du Montreux Jazz au Paleo en passant par Sion sous les étoiles, restent très attendus.

Contrairement à une idée reçue, les petits formats ont également leurs propres atouts pour exister. La filière a cependant été durement touchée par la pandémie. Pour certains, ce fut le coup de boutoir de trop, pendant que de nouveaux venus se sont précipités dans la brèche, espérant profiter des effets de rattrapage. Ils bousculent ainsi les codes à bon escient, mais essuient parfois des revers que les vieux routiniers évitent grâce à l’expérience.

Le vrai prix des places

Du côté des bonnes nouvelles, l’engouement pour aller voir un spectacle ou écouter des concerts ne s’est pas tari. «Je n’ai jamais fait un aussi bon premier trimestre depuis quinze ans», sourit Michael Drieberg, fondateur de Live Music Production. De là à penser que le public est prêt à tout, et surtout à payer n’importe quel prix pour réaliser ses rêves, il n’y qu’un pas que certains franchissent vite.

Un bon exemple en est le concert de Bob Dylan, qui est venu le 1er juillet 2023 à Montreux, pour lequel il fallait débourser au minimum trois cent soixante-cinq francs pour un fauteuil. A peine l’affiche révélée que déjà s’élevait une certaine grogne, reflet de la frustration des fans, certains pensant que les mégastars placent la barre trop haut.

Selon une explication générale, il ressort que la rémunération des artistes représente effectivement la plus grosse partie d’un billet (jusqu’à 50%). S’y ajoute tout ce qui se situe en amont de la prestation visible, à savoir l’engagement des musiciens, des danseurs, des équipes, la location du matériel, celle des locaux de répétition, etc. Avec ces paramètres en main, il revient ensuite aux organisateurs de rentrer dans leurs frais en fixant une politique de prix cohérente. Dans le cas du concert de Bob Dylan, le prix pour une place répond à une logique implacable. Le concert a été prévu en format assis, ce qui réduisait la capacité de la salle de quatre mille à mille cinq cents personnes, augmentant mécaniquement le prix de la place.

Les origines d’une tournée ou d’un spectacle ont aussi une influence sur le prix des billets. Michael Drieberg, qui a souvent proposé des comédies musicales, explique que les droits sont souvent rétribués directement aux ayants droits, qui fixent leurs prix.

Transport et logistique plus chers

Quatre-vingts pourcent du matériel scénique vient de l’étranger, une dépendance particulièrement lourde avec la hausse des prix de l’énergie. «Avec la crise, j’évalue l’augmentation de ces postes à au moins 20%», précise Michael Drieberg. «Or, comme on ne peut pas augmenter le prix des billets d’autant, cela se répercute sur notre marge», confie-t-il. C’est une des raisons qui explique que les mégastars s’arrêtent de moins en moins en Suisse romande. Elles préfèrent miser sur les grands stades, comme ceux de Berne, de Bâle ou de Zurich, afin d’atteindre un quorum qui permette de rentabiliser l’événement.

Il semblerait également que la pandémie ait polarisé les situations. De nombreux techniciens aguerris se sont ainsi lassés du modèle selon lequel on ne comptait pas ses heures, quitte à dormir dans sa voiture, cela en échange d’un petit salaire et du seul plaisir de vivre un métier de passion. Désormais, les meilleurs professionnels, très demandés, misent davantage sur la calculette que sur l’idéalisme. Quant au bénévolat, modèle sur lequel s’appuient encore de nombreux rendez-vous, il ne fait plus rêver.

Le risque du plein air non assuré

Enfin, les festivals, par définition, misent sur le beau temps et redoutent les aléas de la météo, qui suffisent à faire plonger les finances dans le rouge. Pour tenir, il faut avoir les reins solides, savoir se réinventer et miser sur autre chose qu’un simple attroupement festif peu exigeant. L’histoire montre que la vie de certaines de ces manifestations est parfois éphémère.

Chaque année, on compte de nouveaux disparus, pour des raisons variées. Le Caribana festival, qui a lieu à Cransprès- Céligny, a connu des hauts et des bas pendant plus de quinze ans. L’an dernier, Thierry Genard, responsable technique, se confiait dans l’émission Mise au Point sur les embûches pratiques de la dernière édition. Il a pointé la difficulté de trouver les fournisseurs, le matériel et les bons professionnels. Un contexte qui n’a pas tellement changé un an après, aux dires de ses collègues. A Avenches, il n’y aura pas de Rock Oz’Arènes en août prochain. Alors que les célèbres lieux sont en pleine rénovation, les organisateurs ont renoncé à délocaliser la manifestation, laissant ouverte la possibilité d’un retour en 2024.

En bref, si les festivaliers peuvent aborder la saison sous le signe d’un vrai retour à la normale, les organisateurs sont désormais assez prudents pour ne pas crier victoire avant l’heure.

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