Entrepreneurs genevois toujours lourdement taxés

L’impôt sur la fortune des personnes possédant des parts d’entreprises non cotées a sensiblement augmenté depuis 2008.
L’impôt sur la fortune des personnes possédant des parts d’entreprises non cotées a sensiblement augmenté depuis 2008.
Pierre Cormon
Publié vendredi 18 février 2022
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#Impôt sur la fortune Le calcul de la valeur des parts d’une entreprise non cotée détenues par des particuliers a été adapté. Le canton de Genève continue à l'appliquer de manière rigide.

Toutes choses égales par ailleurs, l’impôt sur la fortune des personnes possédant des parts d’entreprises non cotées a sensiblement augmenté depuis 2008. Ainsi, à Genève, pour un bénéfice annuel de trois cent mille francs, il est passé de 25 196 à 30 238 francs entre 2010 et 2017 et n’est pas redescendu depuis. La faute à la manière dont la valeur de ces parts est calculée.

Or, cette valeur va être tirée vers le bas par une récente décision de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des finances. «Les entrepreneurs genevois continueront cependant à être pénalisés par la rigidité des règles d’évaluation retenues et appliquées par les autorités du canton, alors qu’en Suisse romande, des cantons comme Vaud, Fribourg ou le Valais ont intégré dans leur législation et leur pratique administrative une approche plus souple», estime Stéphane Tanner, fondateur de Tanner Conseils et membre du Comité directeur de la FER Genève.

Une formule suisse

Quel est le problème? Une personne détenant les parts d’une entreprise non cotée dans sa fortune privée – typiquement un entrepreneur dont la société est constituée en société de capitaux – peut être soumise à l’impôt sur la fortune. Comment calculer la valeur de ces parts, alors qu’elles ne sont pas cotées et font rarement l’objet de transactions? La réponse est une formule complexe, établie par la Conférence suisse des impôts (un organisme réunissant les administrations fiscales cantonales et l’Administration fédérale des contributions).

Cette formule prend en compte divers paramètres, dont le taux des emprunts de la Confédération, qui n’a aucun lien direct avec la valeur intrinsèque d’une entreprise. Plus celui-ci est bas, plus la valeur théorique de l’entreprise monte. Or, ce taux a beaucoup baissé depuis 2010, faisant monter la valeur théorique des entreprises non cotées dans la formule appliquée par le fisc… et donc l’impôt sur la fortune de leurs propriétaires, sans que cela n’ait aucun lien avec la marche réelle de leurs affaires.

Paramètre modifié

Or, un paramètre du calcul vient d’être modifié par la Conférence des directeurs et directrices des finances1, ce qui fera mécaniquement baisser l’estimation de la valeur des parts par le fisc. «La baisse effective varie selon les entreprises, mais dans un cas typique, elle peut se monter à 20% à 25%2. De fait, on reviendra à la situation qui prévalait en 2009», commente Stéphane Tanner.

Le nouveau mécanisme devrait entrer en vigueur pour les comptes 2021 (c’est-à-dire pour les impôts 2022), mais Genève a décidé de l’appliquer de manière anticipée pour les comptes 2020. «Il s’agit de faire bénéficier au plus vite les contribuables concernés des effets positifs de ce changement, alors que de nombreux propriétaires d’entreprises sont durement touchés par les conséquences de la crise sanitaire», a expliqué Nathalie Fontanet, conseillère d’Etat chargée du département des finances et des ressources humaines.

Rigidité

Si cette décision est réjouissante pour les entrepreneurs du canton, ils resteront pénalisés par rapport à leurs homologues vaudois, valaisans ou fribourgeois. «L’administration fiscale a toujours appliqué la formule de calcul de manière très rigide, prétextant qu’elle ne dispose pas de marge de manœuvre», relève Stéphane Tanner. «Or, l’exemple des autres cantons montre que ce n’est pas le cas.

Alors que Genève continue à taxer 100% de la valeur théorique de l’entreprise, les cantons de Vaud, Valais ou Fribourg ont adopté des mécanismes d’évaluation ou d’imposition qui aboutissent à un abattement de 40% de la valeur théorique de l’entreprise, se traduisant par une correction proportionnelle de la facture fiscale, voire plus, étant donné la progressivité de l’impôt.»

Cette différence est d’autant plus marquante que Genève connaît l’impôt sur la fortune le plus élevé de Suisse. Entreprise romande avait soulevé le problème en 2018. «Si marge de manœuvre il y a, je plaiderai pour qu’elle soit pleinement utilisée», répondait alors Nathalie Fontanet.

Projet lancé

«D’autres cantons vont plus loin. J’estime, pour ma part, que nous devons agir sur cette problématique reconnue», confirme-t-elle aujourd’hui. «Mes services travaillent actuellement à l’élaboration d’un projet qui devrait être prochainement soumis au Conseil d’Etat.»

«S’il faut souligner et saluer la démarche entreprise par Nathalie Fontanet, il convient de préciser qu’elle ne se traduira pas par un cadeau fait aux entrepreneurs du canton, mais par un rapprochement avec les pratiques des autres cantons et par l’allégement de l’imposition aujourd’hui excessive de l’outil de travail», conclut Stéphane Tanner.

 

 

1Le taux de capitalisation des titres non cotés a été augmenté de 7% à 9,5%. Cela a pour effet de faire baisser la valeur fiscale d’une entreprise, puisque dans le calcul, le bénéfice est divisé par ce taux. 

29,49% pour une entreprise réalisant un bénéfice de 150 000 francs et bénéficiant de fonds propres de 1,5 million; 25,72% pour une entreprise réalisant un bénéfice de 150 000 francs et disposant de fonds propres de 100 000 francs (calculs de Tanner Conseils).

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