Extraire le gravier des lacs a plusieurs avantages

Un seul bateau évite la circulation de nombreux poids lourds.
Un seul bateau évite la circulation de nombreux poids lourds.
Pierre Cormon
Publié vendredi 04 novembre 2022
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#Gravier L’extraction des graves lacustres a moins d’impact sur le paysage et génère moins de trafic qu’une exploitation terrestre.

Alors qu’il est de plus en plus difficile d’obtenir des autorisations pour ouvrir de nouvelles gravières et sablières terrestres, les cantons de Vaud et de Neuchâtel autorisent des entreprises à prélever des graves au fond des lacs. Initiée au milieu des années 1950, cette activité produit 15% des granulats non recyclés utilisés dans le canton de Vaud – la proportion n’est pas connue dans le canton de Neuchâtel. Cette ressource est aussi valorisée en Suisse alémanique, notamment dans le lac des Quatre-Cantons.

Deux entreprises sont titulaires de concessions leur permettant d’extraire cette ressource dans le lac de Neuchâtel: Bühler Marin exploite deux sites dans les eaux neuchâteloises, et Sables et graviers en exploite un dans la partie vaudoise. Dans le Léman, l’entreprise Sagrave est titulaire d’une concession au large de Prangins et est en train de remettre en état un site qu’elle a exploité jusqu’en 2021, près de Villeneuve.

L’extraction du gravier lacustre présente plusieurs avantages. L’ouverture de nouvelles gravières terrestres suscite de nombreuses oppositions, liées notamment aux atteintes au paysage et au trafic de poids lourds. Elles sont moins fréquentes pour les exploitations lacustres. «Les entreprises travaillent généralement depuis longtemps et les installations sont peut-être devenues partie intégrante du paysage», remarque Giona Preisig, géologue cantonal neuchâtelois. De plus, si leurs installations sont visibles, les trous qu’elles creusent ne le sont pas. Une exploitation lacustre ne génère en outre qu’un trafic de bateaux, beaucoup moins gênant que celui de poids lourds. «Un seul de nos bateaux transporte l’équivalent du matériau transporté par vingt camions de vingt-cinq tonnes», remarque Olivier Haussener, directeur de Bühler Marin.

«Les bateaux amènent les matériaux près des centres de construction», ajoute Marco Danesi, délégué à la communication du Département vaudois de la jeunesse, de l’environnement et de la sécurité. «Cela est le cas par exemple pour les matériaux extraits du Léman, qui peuvent être déposés en bas de la Ville de Lausanne.» L’ouverture de nouvelles gravières et sablières terrestres se heurte régulièrement aux exigences de la protection des eaux, notamment en Argovie et en Suisse centrale. «De l’eau utilisée comme eau potable traverse souvent ces sites», explique Giona Preisig. «Leur exploitation peut donc faire courir un risque de pollution. Il est revanche très limité pour l’extraction lacustre, soumise à des normes très strictes.»

Enfin, le savoir-faire des entreprises qui exploitent le gravier lacustre peut être utilisé pour d’autres travaux nécessitant le transport de matériaux ou un accès aux rives par le lac, comme des travaux d’aménagement de digues. L’exploitation lacustre demande en revanche un site au bord de l’eau, alors que ce type de terrain est rare et convoité, ainsi que des infrastructures conséquentes. L’investissement de départ est beaucoup plus élevé que pour extraire du gravier terrestre. Bühler Marin possède ainsi dix bateaux et deux dragues (ainsi que trois pontons de travail pour effectuer des travaux lacustres).

Cette logistique rend le gravier lacustre un peu plus cher, quoique sa qualité lui permette d’être utilisé pour des applications exigeantes, comme le génie civil. Cela permet à Bühler Marin de se maintenir malgré la concurrence du gravier français de la région de Pontarlier – Besançon.

Enfin, cette activité a un impact sur le milieu naturel «tout comme les sites terrestres», précise Marco Danesi. «A ce titre, il est déterminant d’éviter ce genre d’exploitations dans les sites naturels protégés ou vulnérables. Il est accordé une attention particulière au suivi des impacts de ces extractions sur la faune et la flore lacustre.» La pollution se transmet en effet plus facilement dans l’eau que sous terre.

L’exploitation du gravier lacustre pourrait-elle être augmentée? Dans le canton de Neuchâtel, le plan d’affectation cantonal mentionne cinq sites potentiels. «Seuls deux ont finalement fait l’objet d’études complètes et ont abouti à une autorisation d’extraction, après près de dix années de procédure», relève Olivier Haussener. Dans le canton de Vaud, les trois concessions prévues par le plan directeur ont été attribuées. «Il n’existe pas d’autres secteurs pouvant faire l’objet de demandes», relève Marco Danesi.


Une entreprise cent cinquantenaire

Les deux exploitations lacustres de Bühler Marin font de l’entreprise l’un des acteurs majeurs de l’extraction de gravier et sable dans le canton de Neuchâtel. Cette activité a pourtant débuté assez tard dans la vie de l’entreprise. Fondée en 1870, elle se consacrait initialement au transport par bateau. «C’est en 1956 qu’elle s’est lancée dans l’extraction industrielle de sable et gravier», raconte Olivier Haussener. Il s’agit aujourd’hui de son activité principale, même si elle effectue également de la valorisation de matériaux de construction et des travaux d’aménagement lacustres à partir de son site des bords du canal de la Thielle, qui relie les lacs de Neuchâtel et de Bienne.

Les principaux clients de l’entreprise sont les fabricants de béton, d’enrobés bitumineux, les entreprises de construction et les paysagistes.

Si l’activité d’une gravière requiert de grandes quantités d’énergie, Bühler Marin est parvenu à réduire sa consommation de plus de 20% en une quinzaine d’année. «Nous avons déjà beaucoup optimisé notre outil de production, changé les moteurs, économisé l’énergie partout où c’était possible et avons le projet de poser des panneaux photovoltaïques sur nos bâtiments», résume Olivier Haussener.

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