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Gestion de crise: intelligence et lucidité

Marie-Hélène Miauton Publié lundi 28 août 2023

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On a beaucoup écrit sur la gestion de crise et développé moult thèses que vous n’avez sans doute pas lues. À juste titre, car elles restent théoriques tant que les circonstances ne se présentent pas. Pourtant, que vous soyez artisan, responsable de PME ou d’une multinationale, vous craignez de devoir faire face à une urgence grave, mettant en jeu la réputation et l’avenir de la structure dont vous avez la charge. Sans oublier qu’avec l’omniprésence médiatique, votre propre survie est aussi en cause, rendant la crise doublement alarmante. Ayant été à la tête d’une PME de taille moyenne - le pire des positionnements, car les petites passent sous les radars et les grandes disposent des ressources pour réagir -, je me permets de vous confier quelques règles générales, au-delà de toutes conceptualisations indigestes.

Il faut commencer par accepter l’idée même qu’il s’agit bien d’une crise, qu’elle ne se résorbera pas toute seule, qu’elle exige que vous vous engagiez et trouviez des solutions. Par refus de voir les choses en face et de les affronter, vous aurez envie de temporiser et d’éviter les vagues, c’est humain. Mais la situation pourrira et tout s’avérera plus grave, voire létal. Il convient donc de prendre les problèmes à bras-le-corps avant qu’ils ne s’amplifient. La crise exige lucidité, courage et, surtout, rapidité de réaction. L’erreur la plus grossière, mais la plus courante, serait d’attendre. Ce qui ne signifie pas que vous devez vous précipiter tête baissée dans une action désordonnée, au risque de dire n’importe quoi, en particulier des semi-vérités ou des mensonges, difficiles à réfuter ensuite et qui jetteront le discrédit sur toute votre communication ultérieure.

Bien sûr, vous devez vous entourer de vos collaborateurs de confiance, à la fois pour les calmer s’ils s’affolent et pour assurer la cohésion. Mais c’est le moment de montrer que c’est vous le chef, le décisionnaire. Les conseillers ne doivent pas entraver vos choix, qui doivent être rapides, voire instantanés, car ils sont souvent des freins, parce qu’ils ont peur. Vous devez suivre votre intuition et pas les théories des livres. Il n’y a sans doute pas de vérité universelle dans la gestion de crise, mais toujours une vérité en phase avec cette crise-là et avec le patron que vous êtes.

Le plus simple, le plus efficace, reste de s’appuyer sur les valeurs, les missions, les objectifs, les règles de votre entreprise. Vous en réaffirmerez leur pertinence comme boussole dans les difficultés, parce qu’elles représentent le bien le plus précieux de votre entreprise. Enfin, même si cela fait mal, vous avouerez qu’elles ont été transgressées, pour quelles raisons, quitte à temporiser sur la façon d’y remédier afin de ne pas vous engager trop vite dans l’action. Vous vous adresserez aux différents cercles concernés, collaborateurs en interne, clients et relations d’affaires, média et grand public, milieux politiques, mais en restant cohérent et en diffusant un discours certes nuancé, mais univoque.

Si malgré vos efforts le feu ne s’éteint pas rapidement, si la crise menace de durer, d’user votre patience et le moral de vos troupes, alors le mieux est de la saucissonner. De répondre pas à pas à chaque difficulté qui se présente, de sérier les problèmes. En les découpant, on réduit l’ampleur de la tâche, on les rend abordables, solvables. Et tant pis si, demain, il faut se coltiner un autre obstacle, le précédent du moins est derrière soi. La crise demande parfois de faire preuve d’une patience de montagnard, et de gravir la côte le nez dans ses chaussures.

Souvenez-vous finalement que, même si elle se mesure désormais en QI, l’intelligence se révèle en situation de crise. Le plus intelligent est celui qui survit, un point c’est tout ! C’est donc dans ces moments difficiles que vous serez jugé. Les marins de calme plat ont du mérite, celui de donner et de suivre un cap, celui de préserver la stabilité et de perdurer. C’est hautement respectable, mais si, dans la tempête, tout doit s’écrouler, à quoi bon tant d’efforts? Le capitaine de gros temps, lui, sauvera son équipage et son bateau. Il analysera rapidement, agira avec pertinence et commandera avec assurance. Difficile pensez-vous! Non, car vous êtes un chef!